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Domaine étranger Le diable en liberté

juin 2015 | Le Matricule des Anges n°164 | par Thierry Guinhut

Entrecroisant époques et destins, Sorcière‽ est un étrange roman qui défie le bien et le mal.

Venu d’une contrée littéraire inexplorée, la Macédoine, voici un objet d’art bifide. Ses deux langues sont celle d’un roman historique situé au XVIIe siècle et d’un récit contemporain. Sorcière‽ avec son point exclagorratif, signifiant certitude et doute des protagonistes, met en scène une interrogation existentielle sur le mal : « on veut vérifier si le diable est matériel et réel, venimeux et créé. »
Le padre Benjamin parcourt la Croatie et Macédoine. Quoique émissaire du Pape, ami de savants et philosophes représentant la raison, Descartes et Galilée, il est confronté à l’obscurantisme d’un Grand Inquisiteur fanatique, dont la passion dogmatique traque les sorcières séduites par le Malin. Mais c’est une sexualité rentrée qui anime les procès ordonnateurs de sévices. Car « l’origine des films porno se trouve dans ces témoignages de l’inquisition sur le sexe de groupe et les orgies ». De plus, « l’homme aux yeux de serpent » est l’incarnation de la violence absolue : « la vérité lui appartenait, car il avait entre les mains… le bûcher. »
Il faut, à cet écho lointain du Nom de la rose d’Umberto Eco, une intrigue amoureuse : Benjamin est séduit par une intelligente rousse que son mari accuse de le rendre stérile et d’être une sorcière. Le prêtre bientôt défroqué écoute alors l’histoire de Jovana, qui fut l’esclave d’un bey islamique, puis d’un marchand, sans vouloir renier sa religion. Jusqu’où Benjamin devra-t-il manœuvrer pour sauver sa sorcière et écrire son livre sur les sciences diaboliques ?
Abruptement, le roman est périodiquement interrompu. Par des considérations en italique, passablement oiseuses de l’auteur impécunieux, dont l’éditeur demande des histoires policières vendables. Le procédé paraît une afféterie postmoderne gratuite, bientôt plus fine : « Il est toujours temps de mourir d’une narration classique, ampoulée, stylisée ! » Jusqu’à ce que l’on perçoive, après des dizaines de pages, qu’arguments historique et contemporain se répondent par un lien ténu : deux femmes rousses, à quatre siècles de distance, fascinent le personnage et son narrateur : « les amants se retrouvent après des siècles, après que la mort les a séparés (…) dès leur renaissance, ils se cherchent mais dans d’autres corps. » Ainsi, de celle qui ensorcelle d’amour Benjamin à l’étudiante en médecine, un écho subtil se noue, inscrivant l’ouvrage dans une esthétique digne du réalisme magique. « En fait, ce n’est qu’une recette pour écrire un roman ». Qui, enfin, se retourne sur lui-même pour être offert et dédicacé à « la rouquine ».
Sans nuire à la fluidité romanesque, la richesse intellectuelle et métaphorique imbibe la langue, les pages. De la « fille-lettrine » à Jovana « la rousse, belle comme une lettrine », en passant par le séminariste et futur « doctor angelicus », grâce à sa connaissance du doute, tout s’inscrit « dans l’objet le plus secret de la magie diabolique qui du mensonge fait la vérité : le livre. » Là où bientôt l’inquisiteur est démasqué : il est le Diable ! Dans une langue aisée, les débats théologiques éclairent les problématiques du roman, à l’instar de l’apologue nietzschéen, lorsque Benjamin dévoile l’illusion du théâtre d’ombre. L’œuvre polyphonique, à la lisière du conte et de l’essai encyclopédique, oppose la terreur documentée des tortures et l’érotisme brûlant du poème en prose.
Il faut explorer ces marges de l’Europe, où des auteurs surgissent à nos yeux ébahis. Venko Andonovski, né en 1964, est nanti d’une bibliographie impressionnante : Sorcière‽ cet étonnant roman philosophique, en est à sa huitième édition en Macédoine, Le Nombril du monde à sa douzième, ses volumes de nouvelles à la sixième, son théâtre et ses essais jouent dans la cour de l’abondance : un monde à découvrir, parmi lequel un titre comme L’Alphabet des désobéissants est particulièrement fascinant…

Thierry Guinhut

Sorcière ‽
Venko Andonovski
Traduit du macédonien par Maria Béjanovska
Préface Milan Kundera
Kantoken, 482 p, 22

Le diable en liberté Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°164 , juin 2015.
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