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Domaine français L’archipel de l’enfer

novembre 2015 | Le Matricule des Anges n°168 | par Eric Bonnargent

Emmanuel Ruben est parti deux mois en Israël à l’automne 2014 pour y écrire un roman. Confronté à l’absurde et à la violence, l’auteur de La Ligne des glaces n’a ramené qu’un « carnet de déroute ».

Géographe de formation, Emmanuel Ruben est obsédé par les frontières. Comme il l’écrit si bien dans Les Ruines de la carte, un essai qui vient de paraître aux éditions du Vampire actif, « depuis leur invention, les cartes ont fait l’objet de complots et de rivalités ; elles ont fomenté des putschs et maté des révolutions, elles ont cristallisé les haines identitaires, elles ont grossi les désirs de revanche, elles ont enfanté les guerres et servi à dresser des champs de bataille. » Israël était donc pour lui une destination incontournable. Nulle part ailleurs les frontières ont engendré autant de folie meurtrière. D’origine juive par sa mère, protestante par son père, Ruben est écrivain avant tout et visite Israël sans aucun esprit partisan, mais avec un esprit critique bien acéré. Il se sent d’autant plus étranger dans le pays de ses origines spirituelles qu’il réside à Jérusalem-Est, mais travaille à l’Ouest : « juif le jour et arabe la nuit, étranger partout, seul dans Jérusalem. »
Contrairement à ce que nous pourrions croire, dans cette partie du monde, les frontières sont terriblement fluctuantes. Pour commencer, il y a des frontières verticales. Jérusalem, en effet, existe aussi bien sur terre qu’au ciel et, comme le note Ruben, « qui marche dans les rues de Jérusalem sait qu’il lui faut renoncer à distinguer de façon catégorique la part de fiction mythologique et la part de vérité historique. » La Jérusalem céleste n’est pas clairement séparée de son double séculaire, elle le pollue. Il n’y a pas d’un côté les Israéliens et d’un autre les Palestiniens, mais les Juifs et les Arabes, ces derniers pouvant être israéliens : « En aucun lieu de la terre, l’imagination humaine n’a nourri et envenimé à ce point le réel, et nulle part l’enchaînement des faits n’a bafoué avec une telle violence les promesses de l’imaginaire. » Nulle part au monde, on a autant tué au nom de Dieu. Même les monuments pourtant revendiqués originaux portent dans leurs strates les périodes de l’histoire, des temps les plus archaïques aux rénovations d’aujourd’hui, en passant par les dominations romaines, chrétiennes ou ottomanes. Même les sous-sols ont été investis par les uns et par les autres : se côtoient dans les profondeurs de la terre, des tunnels et des abris, des cryptes et des puits, appartenant aux uns et aux autres. « À défaut de pouvoir élargir la maison, constate joliment Ruben, on a agrandi la cave. » Mais ce sont surtout les frontières horizontales qui posent problème. Dès 1947, le tracé de l’ONU était une promesse du pire puisqu’il « proposait aux deux peuples d’occuper chacun la terre des ancêtres revendiqués par l’autre. » Comment dès lors éviter l’expansion des colonies poussée par la folie religieuse ? La Torah n’affirme-t-elle pas que la ville d’Hébron a été promise aux Juifs ?
Tous ces territoires, israéliens et palestiniens sont éclatés et on s’en rend d’autant mieux compte qu’au gré de ses pérégrinations qui l’amènent de Jérusalem à Bethléem, de Haïfa à Tel Aviv ou de Ramallah à Jéricho où à chaque fois il rencontre des personnages hauts en couleur, Ruben commente les cartes qui lui tombent sous les yeux, aucune ne ressemblant à l’autre. En plus, des lignes frontalières de 1949, apparaissent celles des territoires occupés, eux-mêmes divisés en trois zones, des colonies, des bases militaires, des zones interdites et puis du fameux mur, « trois fois plus haut et dix fois plus long que celui de Berlin ». Sur les cartes palestiniennes, les frontières diffèrent et le nom d’Israël n’apparaît même pas. Mais, s’interroge Ruben, s’agit-il encore de frontière lorsque des deux côtés les soldats portent le même uniforme ? Le berceau des monothéismes n’est qu’« un archipel déboussolé où la terre est un mirage » où il faut parfois faire d’interminables détours pour parcourir quelques mètres… Pas étonnant dès lors que la paix soit, pour cette jeune Palestinienne qui se confie à l’auteur, « un mot creux, une fiction inventée par l’ONU ». Finalement, la véritable frontière est « dans les esprits, sur les visages, dans les codes et les usages, dans les façons de parler, de se mouvoir, de vivre et de s’habiller ». Avec ce Jérusalem terrestre, Ruben n’a pas la prétention d’une solution à cet interminable conflit, mais il nous invite à réfléchir, posément.
Éric Bonnargent

JÉrusalem terrestre D’Emmanuel Ruben
Inculte, 172 pages, 16,90

L’archipel de l’enfer Par Eric Bonnargent
Le Matricule des Anges n°168 , novembre 2015.
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