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Domaine étranger Occupation des territoires

mars 2016 | Le Matricule des Anges n°171 | par Blandine Rinkel

Jardins de la dissidence, de Jonathan Lethem, se présente comme une « fresque de l’Amérique des radicaux au XXe siècle ». Une odyssée new-yorkaise maîtrisée, maligne – et asphyxiante.

Jardins de la dissidence

Son titre l’indique, le dixième livre de Jonathan Lethem charrie une myriade de personnages dissidents, soit des hommes et femmes (surtout des femmes) s’insurgeant contre la légitimité de l’autorité politique américaine à laquelle ils auraient dû se soumettre et ne se soumettront pas. Sur 500 pages se donne à entendre une chorale de rebelles. Il y a la communiste Rose Zimmer, surnommée la « Reine Rouge du Queens » et qui en 1955 se fait exclure de son parti pour avoir fréquenté un policier noir ; il y a sa fille Miriam, qui lutte contre l’histoire officielle de l’Amérique en embrassant la contre-culture des années 1970 ; il y a les dreadlocks contestataires de Cicero Lookins, ces « malformations envahissantes étant censées s’infiltrer dans votre grille, occuper l’espace » ; il y a Tommy Gogan le « chanteur intègre et engagé, syndicaliste à la guitare » et puis, au milieu de tout ça, il y a Sergius. Sergius, qui appartient à cette famille mais se voudrait politiquement neutre et, préférant se tenir éloigné des névroses contestataires de ses pairs, se rêve en déserteur, en « voyageur à rebours, vieux démêleur de laine ». Mais est-ce seulement possible, d’être déserteur parmi les dissidents, consensuel au cœur des rebelles ?
Cette question, Jonathan Lethem la travaille au sein d’une fiction couvant un demi-siècle de contre-histoire de l’Amérique, avec une écriture, savamment traduite par Bernard Turle, rigoureuse et légère à la fois. Avec une pullulation de détails érudits, de lieux improbables, de dialogues vivants et de drôles de situations, ces Jardins de la dissidence forment un livre gourmand, de ceux qui ne lésinent pas plus sur la quantité que sur la qualité et s’avancent, tels des peintures de la Renaissance, à ce point saturés d’actions diverses et contradictoires qu’on les croirait exhaustifs. En effet, du maccarthysme au mouvement Occupy en passant par les luttes pour les droits civiques, Jonathan Lethem circonscrit avec brio – dans la lignée de Forteresse de solitude et de Les Orphelins de Brooklyn — son thème de prédilection : l’Amérique des indisciplinés et des laissés pour compte, de ceux que la société condamne et que, seuls peut-être, les livres peuvent sauver.
Mais aussi brillant que le roman puisse-t-il paraître, sur le fond, la forme, il n’en demeure pas moins un manque. Et celui-ci correspond sûrement à ce que Jean-Philippe Toussaint appelait dans la NRF (n°610) le « manque du manque », à savoir le sentiment, en lisant Jardins de la dissidence, que l’on se fait étouffer par un excès de précisions comme « peut étouffer une profusion de détails dans un dessin ». Comme cela arrive lors de trop bruyantes et trop vivantes manifestations, une asphyxie s’ensuit. Il est d’ailleurs souvent question d’occupation des territoires, de manifestations, de sitting, dans ces Jardins débordants, et c’est en effet une sensation d’occupation que l’on garde, après avoir enchaîné les 500 pages composant la fresque de ce New York de tous les engagements : la sensation que l’auteur a campé sur votre terrain tout au long de la lecture, prenant en otage vos monologues intérieurs pour vous imposer le sien, un monologue précis, humoristique et cultivé, mais un monologue exempt d’air, de trous, d’absences positives. Jardins de la dissidence se présentant comme le récit épique, et typiquement américain, d’une insoumission sociale à laquelle, peut-être, il manque la dissidence littéraire.
Blandine Rinkel

Jardins de la dissidence
De Jonathan Lethem
Traduit de l’américain par Bernard Turle
L’Olivier, 487 pages, 23,50

Occupation des territoires Par Blandine Rinkel
Le Matricule des Anges n°171 , mars 2016.
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