Athena vit dans la rue. À Athènes, en 2013. Vieille, déchue et sans domicile fixe. Elle fête aujourd’hui son anniversaire. Elle a 70 ans. Et se souvient des années passées. Elle fut d’abord une jeune femme pleine de vie et amoureuse sous la dictature des colonels. Ils feront disparaître son mari et enlèveront leur fille qu’elle retrouvera beaucoup plus tard, adoptée par le tortionnaire de son mari. Puis, une professeure, intégrée et confiante, vingt ans plus tard, quand la perspective européenne fait briller sur le pays l’espoir d’un avenir enchanteur et ambitieux. Elle a refait sa vie, enseigne la philosophie et raconte son histoire à ses élèves. La confrontation de ce passé et du présent ravive des plaies jamais refermées : les Grecs ont été trompés, abusés, roulés dans la farine par leurs dirigeants, avec la complicité des instances européennes : « Au Nord, dans un pays d’ondées froides, de frites et de cafard, des commissaires en costumes sombres, des croque-morts d’existence ont signé l’arrêt de notre vie. » Et toi, qu’as-tu fait pour empêcher cela semble-t-elle reprocher à la jeune femme qu’elle fut. Les lendemains qui chantent se sont transformés en une terrible période d’austérité. Et l’avenir s’annonce plutôt sombre.
Avec les moyens et les codes du théâtre, Louise Caron met en perspective quarante-cinq ans de l’histoire d’un pays où est née la démocratie il y a maintenant si longtemps qu’il semblerait que l’oubli ait fait son travail. Sur ce fond éminemment politique, l’auteure tisse finement la trame d’une histoire personnelle, intime, faite d’espoirs, d’épreuves et d’années qui passent inexorablement. La trame d’une vie en quelque sorte. Et dans ce cas, la fin de l’histoire est connue. Mais, et la vieille dame cite Sophocle, « C’est une vérité admise depuis bien longtemps chez les hommes : on ne peut pas savoir, pour aucun mortel, avant qu’il soit mort, si la vie lui fut douce ou cruelle. »
P. G.-B.
LES PAVÉS DE SYNTAGMA
DE LOUISE CARON
Lansman, 44 pages, 10 €
Théâtre Les Pavés de Syntagma
juillet 2016 | Le Matricule des Anges n°175
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Le Matricule des Anges n°175
, juillet 2016.