Je marche, l’âme légère, mais mon père me rattrape. » Dès l’ouverture du roman de Denis Michelis, auteur du troublant La Chance que tu as (Stock, 2014), nous sommes pris dans les rets de relations père-fils en pleine déliquescence. Albertin n’est pas un bon fils, assène le père. Abandonnés par la mère – à cause du fils martèle le père – ils s’installent dans un pavillon, et Albertin démarre sa nouvelle vie dans une école privée. Au milieu des fils de chirurgiens obsédés par leurs notes, Albertin traîne son mal-être.
Le Bon Fils se joue à l’envi des genres littéraires : sa structure en actes, l’omniprésence des dialogues, sont rapidement rejoints par le conte et le roman fantastique. Ceci grâce à Hans, qui frappe un jour à la porte du pavillon. Surgi de nulle part, Hans met tout le monde sous sa coupe. Il cuisine des repas somptueux, tient la maison, s’occupe du père malade, et prend en charge les études d’Albertin. Subtilement, la métamorphose du récit en thriller révèle la violence qui sourd, et l’on accepte que le père donne Albertin à Hans, que le mauvais fils perde son prénom pour devenir Constant, que Constant se transforme en bon élève. Il y a du Horla ici, dans la présence persistante, crainte et désirée à la fois de Hans. Il y a du Dracula de Bram Stoker dans ses déplacements rapides et invisibles pour l’œil humain. « Je remarque que l’homme ne marche pas, raconte Albertin, il glisse sur le sol, comme s’il était en légère lévitation ». Hans devient essentiel au récit, et le duo qu’il forme avec Constant renvoie aux oubliettes le triste père. Le cours de sociologie sur les tueurs en série lance des pistes, et les éclipses – celles des bleus sur le corps de Constant, les marques rouges sur son cou, laissent entrevoir des horizons de terreurs.
Virginie Mailles Viard
LE BON FILS
de Denis Michelis
Notabilia, 224 pages, 16 €
Domaine français Le Bon Fils de Denis Michelis
septembre 2016 | Le Matricule des Anges n°176
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
Le Bon Fils de Denis Michelis
Par
Virginie Mailles Viard
Le Matricule des Anges n°176
, septembre 2016.