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Domaine français Le prélat et les négriers

janvier 2018 | Le Matricule des Anges n°189 | par Catherine Simon

L’incroyable périple d’un prêtre du Kongo, premier ambassadeur noir envoyé auprès du Saint-Siège, a inspiré le romancier Wilfried N’Sondé.

Un océan, deux mers, trois continents

Nsaku Ne Vunda n’est pas un total inconnu en Europe : ce vénérable ancêtre du peuple Bakongo a été enterré à Rome, où sa statue, un buste en marbre dénommé Nigrita, est exposée dans la basilique Sainte-Marie-Majeure. Quatre siècles après sa mort, ce héraut du catholicisme africain a son cercle d’admirateurs. Ferveur compréhensible : le peu qu’on sait de lui est extraordinaire. Né dans un village de brousse, le jeune homme, ordonné prêtre après son passage chez les missionnaires, est devenu, au tout début du XVIIe siècle, le premier ambassadeur noir auprès du Pape, à Rome. La mémoire de Nsaku Ne Vunda (baptisé Dom Antonio Manuel) a d’ailleurs été évoquée, il y a quelques années, dans une émission de Radio Vatican (diffusée sur YouTube), par l’un des animateurs de Malaki Mâ Kongo, association culturelle congolaise soucieuse de « dire aux petits-fils de nos petits-fils ce que les parents de nos parents ont vécu ».
L’écrivain Wilfried N’Sondé avait-il entendu parler de Malaki Mâ Kongo, quand il a décidé de se lancer sur les traces de Nsaku Ne Vunda ? Installé en Europe depuis plus de trente ans, l’auteur, natif de Brazzaville, s’était fait remarquer en 2007, avec Le Cœur des enfants léopards, récit d’une dérive urbaine où le héros, un ado d’origine africaine, faisait appel, pour dompter son mal-être, à l’image bienveillante d’un « ancêtre ». Dédié à ses propres enfants, le nouveau roman de Wilfried N’Sondé, Un océan, deux mers, trois continents, tombe en tout cas à point : sa date de parution correspond au quatre cent dixième anniversaire de la disparition du prêtre, le 6 janvier 1608.
De façon joliment infidèle, dans le style enlevé – et un peu convenu – des romans de cape et d’épée, est retracé l’interminable périple du jeune catholique, émissaire du roi du Kongo, embarqué à bord d’un navire marchand. Il traversera mille épreuves avant d’être reçu à Rome, où il mourra d’épuisement. Un océan… fait le portrait d’une sorte de missionnaire à l’envers, d’une contre-Odyssée, puisque le but du narrateur/voyageur est, non seulement d’être adoubé comme ambassadeur par le Pape Clément VIII, mais, surtout, de plaider la cause des esclaves. Le sort réservé aux prisonniers africains, razziés, vendus et embarqués de force pour les Amériques, le héros de N’Sondé en est, à contrecœur, le témoin privilégié : le gros voilier, sur lequel il a candidement embarqué, est un navire négrier, transportant vers le Brésil son chargement d’enfants, de femmes et d’hommes.
Contrairement à ce bétail humain enchaîné dans les soutes, croupissant dans ses excréments, moqué, battu, martyrisé par un équipage de sauvages à peau blanche, Ne Vunda/Dom Antonio Manuel est un passager qu’on ménage, à défaut de l’aimer ou de le respecter. Le Vatican l’attend : en ces temps de christianisme triomphant, ce nègre-là est intouchable. Il va donc naviguer de Luanda jusqu’au Brésil, avant de gagner le Portugal, et réussir, après moult péripéties, à atteindre l’Italie et la cité papale.
Wilfried N’Sondé n’épargne rien des horreurs infligées aux esclaves – du viol des femmes aux coups de hache donnés pour « mater » les révoltés – ni des conditions de travail, abrutissantes et d’une brutalité inouïe, qui transforment les marins en soudards. Dans ce sombre récit, la seule lueur d’humanité est celle de l’amitié qui lie le prêtre noir et un moussaillon blanc, Martin. Compagnons d’infortune, tous deux sont animés d’une foi paradoxale dans la beauté du monde – une question qui, de livre en livre, semble tarauder l’auteur. Sortant de l’oubli la figure de Nsaku Ne Vunda, Un océan… apporte sa contribution au nécessaire travail de mémoire sur l’esclavage et le racisme.

Catherine Simon

Un océan, deux mers, trois continents, de Wilfried N’Sondé
Actes Sud, 272 pages, 20

Le prélat et les négriers Par Catherine Simon
Le Matricule des Anges n°189 , janvier 2018.
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