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Théâtre Fractures ouvertes

février 2018 | Le Matricule des Anges n°190 | par Patrick Gay Bellile

Entre enquête judiciaire et drame psychologique, la pièce de Yann Reuzeau creuse les passions et démonte les vérités toutes faites.

Au départ, c’est un banal fait divers : un homme, Boris, tue son père en raison des mauvais traitements que celui-ci lui a infligé lorsqu’il était enfant. Il écope de douze ans de prison. À sa sortie, sa sœur, son beau-frère et son ex-compagne tentent de refaire l’histoire et s’affrontent sur la conduite à tenir. La pièce de Yann Reuzeau relève de la chronique judiciaire, du thriller psychologique et d’une réflexion sur la violence au sein des familles. Elle pose toute une série de questions sans apporter de réponses définitives mais en multipliant les points de vue : peut-on pardonner, peut-on oublier, faut-il oublier, pourquoi revenir sur les événements passés, la violence est-elle héréditaire, l’enfant de Camille et Xavier sera-t-il obligatoirement brutal puisque son oncle et son grand-père l’étaient ? La pièce multiplie les allers et retours entre le présent et le passé, présente la scène du crime sous des angles différents, imagine plusieurs configurations, mais pourquoi Boris a-t-il aussi frappé sa sœur Camille, la plongeant dans un coma dont elle ne sortira que dix jours plus tard en affirmant ne se souvenir de rien ?
Le retour de Boris remue le passé déposé comme de la vase au fond de l’histoire. Les mensonges, les faux-semblants, les manipulations réapparaissent, chacun se met à douter des sentiments de l’autre, de la sincérité de ses engagements, l’individu semble perdu au beau milieu des certitudes qui s’effacent et des beaux sentiments qui s’écroulent. L’histoire apparaît comme une construction qui ne tient que parce que tout le monde y croit, mais au fond, l’ensemble est fragile. Une victime peut-elle devenir un bourreau à retardement ? La question mérite réflexion et les convictions s’affrontent, mais l’appareil judiciaire n’en a que faire. Au tribunal, tous ont menti. Pour se débarrasser du problème, pour éviter d’avoir à l’affronter trop longtemps. Les journaux sont remplis de ces faits divers qui passionnent les foules en raison de leur banalité, le lecteur pouvant tout à loisir s’imaginer à la place du bourreau, fantasme secret, ou de la victime, peur et angoisse mêlées. Et chacun de juger, d’exprimer son point de vue, de faire montre d’une sévérité exemplaire, mais tout condamné a-t-il droit à une deuxième chance ? Et se pourrait-il qu’il y ait eu erreur quant au coma de Camille ? Il faudrait pouvoir comprendre, mais dans le même temps se préserver. Et la vérité n’est peut-être au bout du compte qu’une version des faits arrangeant tout le monde et reposant le couvercle sur les faits les plus troubles. Nous sommes au sein d’une famille, mais qu’est-ce qu’une famille ? En être membre nous oblige-t-il à aimer tous les autres ? Pourquoi est-ce précisément là que la violence et la haine atteignent leur paroxysme ?
La pièce pose toutes ses questions ; chaque personnage apporte sa réponse, ou ses réponses, ou refusant de répondre fuit la question même, et l’auteur lui-même prend bien garde de choisir. À chacun sa vérité. Ou du moins à chacun de choisir la vérité qui lui convient. « C’est bizarre cette manie que vous avez de vouloir renouer avec le passé. Le passé, il faut lui lâcher la grappe, à un moment ! Ce qu’on fait, ce qu’on vit, c’est pas forcément la suite de ce qui s’est passé.  » L’écriture de Yann Reuzeau est pleine de blancs, de silences, de phrases interrompues, les points de suspension coupent court à des aveux possibles, les propos sont hésitants, chaotiques, contradictoires, comme le sont les faits et toute cette histoire. Comment survivre ensuite, comment maintenir à flot les amitiés, les couples, toutes les relations humaines que l’on découvre bâties sur des mensonges, des non-dits ou de fausses obligations morales. Le fait divers : un révélateur de la condition humaine et des choses peu ragoûtantes qui mijotent sous le couvercle de la cocotte.

Patrick Gay-Bellile

Criminel, de Yann Reuzeau
Actes Sud-Papiers, 80 pages, 15

Fractures ouvertes Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°190 , février 2018.
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