Il faut entrer dans ce livre comme on pousse la porte d’un jardin, comme on désapprend pour s’ouvrir à ce qui noue nature et poésie, paysage et présences, à commencer par celle du temps qui ne se dit pas mais se vit. Un livre de terre, de lumière et de verdure, qui nous emmène dans des jardins – les plus intimes comme les plus fréquentés – en quête de cette part d’humanité qui résiste en nous, refuse le processus de dépoétisation de la réalité dans un monde dominé par l’innovation technologique. Loin de ce monde de l’internet, le jardin est ce lieu à la fois clos et ouvert où l’on peut retrouver un peu de cette attention qui donne accès aux impressions, encore intactes en nous, du temps où l’homme trouvait dans sa relation aux pierres, aux plantes, aux animaux, la source d’un équilibre et d’une profonde énergie affective. Ces échos, ce jeu de rappels et d’appels, le jardin en est l’incontournable lieu. Il est cette « zone franche », écrit Marco Martella, ce « maquis possible » où la présence du monde, sa beauté sont rendues soudain sensibles à l’esprit et aux sens. C’est notre présence, passagère, sur terre, notre manière de l’habiter et de vivre « cette évidence fuyante qu’on appelle le réel », qu’il questionne. Mais c’est aussi le mystère de la vie, le miracle de « ce flux de vie dans lequel même l’éphémère prend parfois un air d’éternité » qu’il offre à notre contemplation. Espace de re-création incessante de la création, le jardin est ce maître de sagesse qui nous enjoint de faire corps avec le petit monde qu’il est, « monde dans un monde perdu, / un petit monde, un monde parfait » (Vita Sackville-West), un monde ou recouvrer l’adhésion spontanée à la vie. Richard Blin
Un petit monde, un monde parfait, de Marco Martella
Poesis, 144 pages, 18 €
Domaine français Un petit monde, un monde parfait
avril 2018 | Le Matricule des Anges n°192
| par
Richard Blin
Un livre
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°192
, avril 2018.