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Domaine français Au pied de la lettre

avril 2018 | Le Matricule des Anges n°192 | par Dominique Aussenac

Ciseleur de textes courts, Jean-Jacques Bonvin revisite de grinçantes vies de saints entre déglingue et grâce.

La figure du créateur se mirant dans le crâne qu’il tient d’une main traverse l’histoire de l’art et de la littérature depuis les origines. « Vanitas, vanitatum, omnia vanitas » tance l’Ecclésiaste. À travers les treize écrits qu’égrène Histoires saintes, Jean-Jacques Bonvin adopte la même posture. Peut-être est-ce son moteur d’écriture ? À moins que la contemplation ou le fait de jouer avec la mort soit, pour lui, une singulière manière de vivre, tant les zones d’ombre paraissent le hanter. Né en Suisse, en 1951, il étudie la sociologie des maladies mentales, part à New York en pleine période punk, danse chez Merce Cunningham, crée un festival de poésie sonore à Genève. Son premier ouvrage La Résistance des matériaux disparaît avec son éditeur. Le deuxième, Ballast (Allia, 2011) convoque l’atypique Neal Cassady dont la vie, brûlée par tous les bouts, incarne au plus près l’idéal, l’urgence beatnik. Suivont Larsen (Allia, 2013) qui décrit l’envers du rêve américain, une casse automobile peuplée de marginaux, et Le Troisième animal (Autre part, 2014), le « dépotoir familial » de son enfance suisse.
Quant aux vies des saints, elles ont forcément eu une dimension édifiante. Mais il est toujours légitime de se poser des questions sur l’état de leurs rédacteurs. Étaient-ils vraiment à jeun, sous l’emprise de dieu, du diable ou d’autres substances ? Thérèse d’Avila et ses extases sexuelles ! Les délires sadomasochistes des uns, scatologiques des autres ! Ah, ces martyrs cavalant tels des rugbymen, leur tête sous le bras. Bonvin ne pastiche pas et pourtant fait ses choux gras du cryphe et de l’apocryphe, acceptant que la beauté, la rédemption puissent se situer entre le sacré et l’ordure, la souffrance et le déni du réel, l’ivresse et la ferveur, l’atroce et le chant des oiseaux. Insolent, il se positionne au-delà du blasphème. Il n’y a pas de quête, ni d’énonciation de la vérité chez lui, rien qu’un inquiétant ricanement. Un peu comme chez Bohumil Hrabal, le corps est le lieu du tourment, l’âme celui de l’ivresse, de la démesure, des perceptions diffuses.
Avec « Othmar, le cèdre du Paradis », il s’interroge sur la nature même de la sainteté. Cet Othmar, est-ce un vagabond, un fornicateur, un partageux, un saint ? Qui guide la main du chroniqueur ? « Sa voix était celle d’un singe, Mais Lambertus parvint à imposer le silence et à confesser qu’il avait péché contre un saint, car il est saint conclut-il en glapissant, et tout ce que j’ai pu dire de lui n’est que bobards et boniments. » Dans « Ars à vie », le narrateur, en goguette dans le sanctuaire carton-pâte du brave curé, retouche l’icône d’un clergé conservateur et anti-communard. « Jean-Marie Baptiste Vianney a bâti son pouvoir sur la peur. Une peur panique et continue qui courait en filigrane dans les têtes du diocèse. » Lors du voyage de retour, il l’imagine, à l’arrière de sa voiture, jubilant de la fin du monde annoncée par un ange. Avec « Voyage de Saint Venedikt », hommage à Venedikt Erofeev, banni de l’Union nationale des écrivains sous Brejnev, il amorce un parallèle entre la consommation d’alcool du Soviétique, et sa propre ingurgitation de tranquillisants, morphine, héroïne, méthadone, tout en cernant des trous noirs, désignant des pissotières… L’ultime histoire parle du père, de sa dernière volonté, expulsé de l’asile pour mourir d’un cancer du foie. « J’ai pris une décision, tu vas la trouver bizarre, elle est bizarre. Je vais passer mes dernières heures en faisant la planche. » Les voilà partis à la recherche d’une étendue appropriée. Burlesque et pathétique. D’autres récits cinglants, facétieux, libidineux évoquent Saint Sébastien, le perclus, Marie, la pas si vierge… Si l’enfer, le mal de vivre, l’intranquillité se dégagent des textes, l’écriture, elle, irradie. Tendue, alerte, elliptique.

Dominique Aussenac

Histoires saintes, de Jean-Jacques Bonvin Autre part, 156 pages, 20

Au pied de la lettre Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°192 , avril 2018.
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