Où l’on retrouve Donald Leblond, que l’on avait laissé maître de Kendokei dans le précédent roman de l’auteur. Cette fois-ci, il a vu la Lumière et, du coup, il est entré : devenu Cardinal de l’Union Lagartiste Internationale, il met toute son énergie retrouvée à combattre les Troodons, dinosaures évolués dont l’influence souterraine et délétère se répand chaque jour davantage. En compagnie du toujours très longanime Deshi, il veille avec zèle aux intérêts de la Vraie Foi tout en s’efforçant de résister – avec un peu moins de zèle – à de plus anciens penchants pour le sexe et la bouteille.
Autant le dire tout de suite, on est assez loin de Pierre Bergounioux. On le sait depuis Pop et Kok, Julien Péluchon a le sens de l’humour et sait plutôt bien s’en servir, avec modération, comme il se doit. Équilibriste de la satire, il se balance, imperturbable mais non sans bonheurs de style, au bord du gros comique sans jamais y tomber et si l’on ne se bidonne jamais tout à fait franchement, c’est qu’on est trop occupé à se mordre la langue au récit des minables tribulations de ce ramassis d’illuminés. D’infiltration discount des réseaux djihadistes en grotesque initiation de belle impétrante, Donald et Deshi, modestes auto-entrepreneurs en Vérité, ne manquent cependant ni de courage ni de bonne volonté : tel un Orphée 2.0 (en insistant toutefois sur le zéro), Donald n’ira-t-il pas jusqu’en Enfer pour en tirer sa dulcinée ? Un enfer plus jonché de vieux sacs plastiques que pavé de bonnes intentions comme le veut la tradition mais, après tout, les élucubrations lagartistes ne sont pas beaucoup plus délirantes que le prêchi-prêcha de tous les scientologues, complotistes et autres traqueurs d’illuminati que le siècle nous inflige. Chacun en prend pour son grade : islamistes ou végans, Julien Péluchon n’épargne aucun de ces néo-convertis empoisonneurs d’existence dont les disputes picrocholines se résolvent toutes en un unique et vaste crétinisme au sujet duquel il nous invite à prendre le meilleur parti : celui d’en rire.
Yann Fastier
Prends ma main Donald, de Julien
Péluchon, Seuil, 272 pages, 19 €
Domaine français Fanatiques en toc
avril 2018 | Le Matricule des Anges n°192
| par
Yann Fastier
Un livre
Fanatiques en toc
Par
Yann Fastier
Le Matricule des Anges n°192
, avril 2018.