Talweg N°5

Talweg, « laboratoire de recherche où se côtoient des propositions plastiques et théoriques, points de vue artistiques, littéraires et scientifiques autour d’une réflexion commune », surprend par la cohérence étonnante entre le fond et la forme. Aujourd’hui carnet à spirales, à l’esthétique très novatrice, où dominent le safran et le gris, ce numéro célébrant cinq ans d’existence développe le thème de l’extrait à l’aune d’une parabole. Celle du chiffonnier et du spectre. « Le chiffonnier comme le spectre ne s’approprie rien ; l’un ramasse des morceaux pour en faire le patchwork de l’histoire et l’autre incarne les non-dits… le fragment électrise ce qui n’est plus là ».
Ainsi Léna Amuat et Zoé Meyer proposent un travail photographique à partir de sculptures antiques détournées ou associées à notre modernité. David Boeno présente sous forme de photocopies scannées et captures d’écran, treize traductions du fragment B.26 d’Héraclite, un texte réputé intraduisible. Nina Ferrer-Gleize associe curiosité et inquiétude, grotte, dessins pariétaux et lieu d’enfouissement de déchets nucléaires (« on nous a transmis des dessins, nous transmettrons des déchets mortels. ») L’Autrichien Arno Gisinger travaille à partir de plaques de verre reproduisant des œuvres d’art spoliées ou détruites par les nazis. L’image fantomatique d’une gente dame, la Veuve, tout en voiles et tenant une fleur intrigue, fascine. Avec « Pour en découdre avec la mélancolie », Marik Froidefond assemble un panoramique de l’Antiquité à nos jours, de l’aède au cut-up, en passant par le patchwork. Il convoque Ernst Bloch, Walter Benjamin, Michaux, Dupin et Didi-Huberman pour « montrer comment les arts excellent à extraire et refaire ou encore découper, exhumer, pêcher (…) et qu’il n’a pas fallu attendre le postmodernisme, ni l’ère du développement durable pour se soucier du recyclage. » Du bel ouvrage. D. A.
Talweg N°5, Pétrole éditions, non paginé, 20 €