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Domaine français Amour, ETA et ichtyologie

mars 2019 | Le Matricule des Anges n°201 | par Camille Decisier

Avec Oyana, le Québécois Éric Plamondon se penche à nouveau sur les liens délicats entre identité, langage et territoire.

Mai 2018 : l’ETA annonce officiellement sa dissolution. À 5 000 kilomètres de là, pour Oyana, c’est un autre genre de désintégration qui s’amorce : la fin de l’organisation séparatiste, comme « un second billet pour la liberté », signe l’autorisation de rentrer en France après vingt-quatre ans d’exil. Quitte à pulvériser d’un seul coup tout ce qu’elle s’est employée à construire jusqu’ici. Dans une longue lettre à l’homme qu’elle s’apprête à quitter, Oyana s’efforce, morceau par morceau, de reconstituer la vérité. En 1994, elle a découvert que son père biologique faisait partie du commando Ogro, responsable de l’assassinat de Carrero Blanco, le numéro deux du régime franquiste, et qu’il a été exécuté en représailles en 1978. À son tour, prise plus ou moins consciemment par la même soif de vengeance, Oyana a participé à un attentat commandité par l’ETA à Saint-Sébastien, qui causa la mort d’une femme et de son enfant. Alors âgée de 22 ans, encore pleine d’illusions et de projets d’avenir, elle écopa d’une lourde double peine : la culpabilité qui, depuis, n’en finit pas de la ronger, et l’exil forcé au Mexique, sous un faux nom, organisé par ses « amis » séparatistes. Puis le Québec, longtemps, avec Xavier qui n’a jamais rien su de ce passé.
Pour Oyana, la dissolution de l’ETA, vécue par la plupart de ses membres (désormais presque tous emprisonnés) comme une capitulation, représente au contraire, et à plus d’un titre, une véritable renaissance : le point de départ d’une nouvelle liberté d’aller et de venir, pour elle dont l’itinéraire a toujours été millimétré afin d’éviter la case prison. Une nouvelle liberté morale, aussi et peut-être même surtout, comme si en cessant d’exister le groupe terroriste l’affranchissait du poids de sa responsabilité et formulait une sorte d’absolution – c’est du moins ce qu’espère la jeune femme, prisonnière malgré elle de sa naïveté, dépossédée de son existence légitime pour les besoins de la cause.
Éric Plamondon reprend avec Oyana les thèmes traversants de son œuvre littéraire : la violence avec laquelle l’histoire politique fait vaciller l’individu et influence son devenir, le poids du traumatisme moral mais surtout la question, fondamentale, des rapports entre l’identité, la langue et le territoire. Quelles sont les règles de l’appartenance ?, semble sans cesse se demander Oyana, qui ce faisant les remet forcément en question. Car c’est en route vers l’aéroport, au moment précis où elle quitte Montréal, qu’elle prend conscience du sentiment d’étrangeté qu’elle n’a en réalité jamais cessé d’éprouver ; le territoire est un langage : « Une fois que l’on s’est arraché à la géographie d’un lieu, on doit s’accrocher à son pays intérieur. C’est en soi que se joue la vraie guerre d’indépendance. »
Sous la forme d’une lettre à l’homme tout juste quitté, c’est une déclaration d’indépendance amoureuse et politique que nous donne à lire Plamondon, dont l’écriture affûtée, tranchante, est toujours aussi désarmante de sobriété. « Maintenant que je t’ai quitté, il ne reste plus que toi » : à qui, à quoi Oyana s’adresse-t-elle, derrière la figure de Xavier ? Des réactions de ce dernier, victime collatérale du mensonge, rendu fictif par la vie d’emprunt que s’est construite Oyana, nous ne saurons rien – le récit reste concentré, à juste titre, sur l’acte d’émancipation de cette femme dont la maturité s’est construite sur une longue imposture.
Lauréat du prix France-Québec 2018 pour Taqawan, qui se penchait sur un épisode quasi oublié de l’histoire du Québec, la révolte d’une peuplade indienne contre l’interdiction de pêcher le saumon, Éric Plamondon tente ici, une fois encore et avec justesse, de déchiffrer le phénomène complexe de l’exil politique : « L’impression d’en avoir été, d’en être sans en être. Toujours entre deux, oui c’est ça, c’est exactement la place que j’occupe depuis toujours : deux pères, deux pays, deux passés mais un seul avenir incertain. » Il sera aussi question d’orques et de baleineaux dans ce roman réussi dont les deux pierres angulaires (l’attention aux minorités et la métaphore aquatique) représentent désormais la marque de fabrique de l’écrivain québécois. Camille Decisier

Oyana, d’Éric Plamondon
Quidam éditeur, 150 pages, 16

Amour, ETA et ichtyologie Par Camille Decisier
Le Matricule des Anges n°201 , mars 2019.
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