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Histoire littéraire Quand nuit la bonté

mars 2019 | Le Matricule des Anges n°201 | par Éric Dussert

Dans la petite ville de garnison, un homme soulage les derniers moments d’une vieille femme captive. Louis Guilloux montre comment la mesquinerie se ligue avec le mensonge pour le lui faire payer…

Louis Guilloux nous avait laissés avec l’ultime Coco perdu en 1978 dans les limbes de la solitude d’un vieil homme qui a perdu sa vieille. Disparaissant lui-même en 1980, il nous est revenu depuis grâce à des recherches et des carottages dans les fonds d’archives et de la presse : il y eut l’épisode Labyrinthe et Vingt ans ma belle âge en 1999, puis, à nouveau, cet été, un recueil de ses premiers articles nous mettait face au jeune Guilloux tel qu’il est dans les années 1920, énergique noircisseur de pages et plein d’enthousiasme. Né en 1899, c’est l’impétrant qui nous lance à travers le temps les Chroniques de Floréal (Héros-limite), superbes pièces de journalisme ouvragées au contact des anciens. Et en particulier de Jean-François Louis Merlet (1878-1942), reporter au cuir tanné par les trains-couchettes finissant sa carrière à la rédaction en chef de Floréal, un magazine illustré d’information et de culture générale destiné au monde ouvrier.
Son « nouveau » roman publié sous la marque de Gallimard, son éditeur historique, est probablement le premier manuscrit long de Guilloux. Il était resté inédit parce que partiellement achevé – mais il est riche de fins alternatives qu’Olivier Macaux a mises en ordre. Relatant la vie d’une petite ville de garnison durant la Première Guerre mondiale, il parle de vilenie et de lâcheté, de mesquinerie et de médiocrité, de bêtise et de méchanceté. De vie sociale en somme. L’argument du récit évoque autant Le Sang noir par certains aspects que Le Démon dans l’âme de Théo Varlet (1923). Il souligne le rôle de la haine recuite des meneurs d’opinion, des manipulateurs hypocrites, des notables stupides et des conspiratrices de bancs d’église. L’Indésirable se déroule en 1917, année charnière du conflit à Belzec, petite ville de l’arrière. On y installe un camp d’étrangers indésirables (Alsaciens, Italiens, Allemands retenus par la déclaration de guerre à l’intérieur de nos frontières). M. Lanzer, professeur d’allemand de la ville, y est posté pour servir d’interprète. C’était fatal, le camp devient le défouloir des rats : toute la ville défile le dimanche devant ses barbelés pour vomir la haine élaborée par le bourrage de crâne officiel et nourrie par l’ennui et l’ignorance. On lance des menaces de mort et des insultes…
Homme intelligent et bon, Lanzer est surpris de l’attitude de ses concitoyens. Il s’en trouve d’autant plus attaché à alléger le sort des prisonniers selon ses maigres moyens, et lorsqu’une vieille Alsacienne tombe gravement malade, interdite de retrouver les siens, il se débrouille pour fournir une chambre où elle peut être soignée par le médecin de la ville. Que n’a-t-il pas fait là… L’enchaînement des fléaux qui s’abattent alors sur lui est décrit par Guilloux avec une fluidité imparable et un talent tout particulier pour la description du fat, du boursouflé, de l’aigre et du mesquin. « Un maître psychologue a défini le scandale : la luxure des gens honnêtes. Et la vérité est que, dans une petite ville comme dans une grande, un scandale n’est vraiment un scandale que si l’on y trouve quelque côté qui offense la morale sexuelle. »
Excellent lecteur des grands romanciers du siècle passé (le XIXe), le jeune écrivain épingle avec l’énergie de son temps bêtise dangereuse et méchanceté pure, tout en établissant bien les étapes de la rumeur fatale, depuis son lancement jusqu’à la mise en œuvre des procédures « disciplinaires ». Guilloux ne lâche pas ses victimes. Naturellement, ce sont les innocents qui payent. Et seul le gars courageux et digne va payer l’addition de cette communauté de brutes rongées par l’envie.
L’universalité du propos de Guilloux et la qualité de sa langue font de lui un des tout premiers écrivains français du siècle passé. Sa compassion prouve qu’il était aussi de ceux qui savent lire dans les âmes. Avec L’Indésirable, il confirme que la barbarie est largement répartie. Une leçon à méditer… Éric Dussert

L’Indésirable, de Louis Guilloux
Édition d’Olivier Macaux, préambule de Françoise Lambert,
Gallimard, 192 pages, 18

Quand nuit la bonté Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°201 , mars 2019.
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