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Arts et lettres L’écriture et le ravissement

novembre 2019 | Le Matricule des Anges n°208 | par Flora Moricet

Réédition (enrichie) des sept livres d’artiste emblématiques de l’œuvre de Sophie Calle.

Doubles-jeux, coffret 7 volumes

Heureuse nouvelle en plein cœur de l’automne : Doubles-jeux reparaît dans une édition légèrement augmentée par rapport à celle de 1998. L’occasion de se rapprocher à nouveau de l’œuvre réjouissante et fascinante parce qu’inépuisable d’une des plus grandes artistes contemporaines françaises pour qui l’art, l’écriture et la vie sont inséparables. Les sept volumes qui composent le coffret associant photographies et textes rappellent, au cas où on l’aurait oublié, combien Sophie Calle raconte des histoires : des histoires d’amour et de disparition.
À l’origine de ces doubles-jeux, neuf pages d’un roman de Paul Auster (Léviathan) au cours desquelles l’auteur américain décrit une héroïne directement inspirée d’épisodes de la vie de Sophie Calle. La plasticienne donne en retour le change à ce double en se soumettant à deux de ses rituels fictifs : suivre « un régime chromatique composé d’aliments d’une seule couleur par jour » (orange le lundi : purée de crevettes, carottes et melon) ainsi que « vivre des journées entières basées sur certaines lettres de l’alphabet ».
Mais chez Sophie Calle, le protocole n’est pas une fin en soi. Ce qui ressemble à une règle oulipienne se vit dans le réel et si méthode il y a, elle ne consiste qu’à créer les conditions d’une rencontre, ou en tout cas à inventer un lien.
En 1981, à la demande de l’artiste, sa mère la « fait suivre » par un détective privé un an après avoir réalisé Suite vénitienne, projet au cours duquel elle suit un homme jusqu’à Venise. On notera l’ambivalence cocasse présente dès la dédicace (« À mon père qui m’a encouragée à suivre et à ma mère qui m’a fait suivre ») et redoublée dans une tautologie levant toute ambiguïté : «  je suis pour suivre  ». Dans la nouvelle édition, À suivre… comprend le récit d’une nouvelle filature vingt ans plus tard, orchestrée cette fois par celui qui deviendra son galeriste Emmanuel Perrotin. Lors de cette journée, elle se rend devant la tombe familiale sur laquelle elle pose les mots « au revoir » et avec un humour noir irrésistible explique : « nous avons pris l’habitude de la visiter afin de nous familiariser avec le voisinage ».
L’œuvre de Sophie Calle hantée par la séparation et le deuil se déploie partout dans l’écriture, le plus souvent sous la forme d’un journal de bord de ses mises en scène. L’Hôtel juxtapose les photographies d’objets d’une chambre d’hôtel à ce que s’imagine l’artiste qui s’est fait embaucher en tant que femme de ménage pendant trois semaines. Une « archéologie du présent », selon les mots de Paul Auster qui permet à Sophie Calle d’indexer chaque passage, de retenir chaque départ, entretenant une relation nostalgique avec les objets. Chaque paire de savates, carte postale et mouchoir devient l’objet d’une enquête et d’une conquête : « je suis émue à la vue du pyjama froissé, bleu marine à liseré bleu clair, abandonné sur le lit ». S’attachant à tel passager de l’hôtel : « il va me manquer », « je vais m’efforcer de l’oublier  ».
On pense beaucoup à Édouard Levé dans cette écriture concise qui affronte la mort et l’angoisse du vide. Sophie Calle produit de l’insolite dans le récit en composant de «  brèves biographies imaginaires » désarmantes d’impudeur et d’attentions. Comme ce formidable « portrait à durée aléatoire » d’un inconnu. Après s’être emparée de son carnet d’adresses, elle contacte tous ses proches afin qu’ils lui racontent le personnage. De lui, elle retient notamment « un homme qui voulait être égyptologue quand il était petit, qui sourit beaucoup, qui la trouve toujours bien bonne. Un homme à l’aise dans sa folie, organisé dans sa solitude. Quelqu’un qui serait capable de disparaître sans laisser de traces ». Dès 1998, Sophie Calle ravit quelque chose à l’art et à la littérature : elle propulse l’écriture dans la vie.

Flora Moricet

Coffret Doubles-jeux, de Sophie Calle
Actes Sud, 7 volumes, 605 pages, 45

L’écriture et le ravissement Par Flora Moricet
Le Matricule des Anges n°208 , novembre 2019.
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