Fidèle au principe du Décaméron de Boccace, Miquel de Palol aime organiser des réunions où l’on raconte des histoires. Après Le Jardin des sept crépuscules (Zulma, 2015), c’est pendant cinq jours que Toti Costagrau rassemble ses invités dans le « Mas-d’en-Haut », une demeure grandiose aux secrets étranges.
Comme l’épouse sacrifiée d’Alceste, revenue des Enfers, peut-on imaginer qu’Aloysia réchappe à sa mort, qui se produit dès les premières étapes du « Jeu de la Fragmentation » ? Car pour Andreu, elle est « la sagesse, l’équilibre, le courage, la beauté, et une générosité sexuelle difficilement concevable, mais aussi le désintéressement et la compassion ». Elle est une de ces héroïnes féminines les plus marquantes, qui entraîne le jeu dans la spirale du thriller philosophique. La mort est-elle un jeu de rôle pour Aloysia ? À moins que les récits multipliés et fragmentés soient un moyen « mnémonique » pour la ressusciter…
« Les histoires sont le Jeu » : celle du « vigile Abraham » qui entend la voix de Dieu réclamant l’holocauste de son fils, de « Daniel aux lions », celle d’Aloysia et de l’« Anagnorétique insurrectionnelle ». Elles s’emboîtent, forment un ruban de Moebius temporel, permettent de garder « le patrimoine du Jeu ». Alors que l’on oublie tout : « la loi, la santé et l’équilibre mental », la vie entière, le monde, la métaphysique, la philosophie et l’ironie, tout conflue dans ce Jeu. Le flux de récits apporte son lot de confrontations psychologiques et financières, d’intrigues amoureuses et sexuelles, de crimes. L’orgie de whisky, de désirs et de luttes de pouvoir, sans compter la richesse du vocabulaire et la haute volée conceptuelle, tout concourt à faire de ce roman imaginatif une véritable somme à la beauté intensément baroque. Thierry Guinhut
Le Testament d’Alceste, de Miquel de Palol
Traduit du catalan par François-Michel Durazzo, Zulma, 768 pages, 24,50 €
Domaine étranger Le Testament d’Alceste
janvier 2020 | Le Matricule des Anges n°209
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°209
, janvier 2020.