Panoptica
Sous les auspices d’épigraphes qui forcent le respect puisqu’elles sont signées Jose Saramago, Ernst Mach et Giacomo Leopardi, Panoptica. A la découverte de la mécanique générale s’offre d’emblée comme une curiosité romanesque tendant à démontrer que l’Homme « porte en lui une lumière unique qui le conduira sur les chemins de la vie, y compris dans les défilés » (Saramago) et qu’un personnage qui ne nous est pas encore présenté « mit une paire de lunettes fabriquée avec une moitié de méridien et deux cercles polaires » (Leopardi). Ce personnage principal se nomme « Della Spiaggia, Angelo », appellation qui n’apparaîtra jamais que sous cette forme, parfaite pour identifier en lui l’individu et le farfelu en quête de… Mais de quoi au juste ? Tout juste sait-on qu’il lui faut prendre la route. Panoptica promet bien un récit de vadrouille, de voyage, de quête, sous la bannière de la Verreenigde Oostindische Compagnie (vod) car « le village s’endormirait comme tous les soirs, dans le silence épais de la nuit naissante, déchiré de chant d’ivrognes et de jappements incertains ». Il faut à « Della Spiaggia, Angelo » quitter son « carré initial » pour s’enquérir du monde dans une quête de savoir et de sa destinée. C’est à un récit de formation qu’on nous confronte. Il y sera donc beaucoup question de transports et de marches. Aussi, le fait que Panoptica soit imprimé par les bons soins de Courand & Associés, eux-mêmes installés à Tignieu-Jameyzieu paraît tomber sous le sens.
Comprendre la vie et sa mécanique générale, voilà ce que souhaite « Della Spiaggia, Angelo », mais peut-il décemment espérer y parvenir ? « La mystérieuse s’était en fait contentée de poindre au hasard d’un paysage, d’un visage, intermittente et accidentelle. D’ailleurs l’idée d’assembler ses morceaux, d’en faire une seule et même pièce qu’il aurait pu observer pour mieux la comprendre s’était comme épuisée d’elle-même. C’est qu’elle manquait de continuité la machinerie, des engrenages en étaient cachés, des courroies n’arrivaient nulle part, des poulies tournaient à vide et si machinerie il y avait, le monde, sa beauté, sa laideur, ses objets, hommes, femmes, chaises, paysages, animaux, pierres, ciels et nuages, lumières du matin, lumières du soir, en bord de mer ou prisonnières de grands bâtiments miroitants, ses nuits et ses étoiles, rien n’avait de véritable raison d’être, et d’être là précisément. »
Avec des accents philosophiques et un humour qui ne sont pas sans rappeler Les Jeunes Constellations de Rayas Richa, Panoptica ose la prolifération et l’échange dialogués, la confrontation des cultures et des sens, même si « Il va de soi que ce seul livre ne contient pas toute la mécanique générale et qu’il appartiendra à chacun d’aller l’explorer de son côté. » C’est dit, bougez-vous un peu : vous êtes censé en découvrir un morceau vous-mêmes.
Éric Dussert
Panoptica : À la découverte de la mécanique générale,
Angelo Della Spiaggia,
Des Mauvais Sauvages (1bis montée du Garillan 69005 Lyon),
378 pages, 23 €