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Théâtre La prouesse de la nuance

mars 2021 | Le Matricule des Anges n°221 | par Laurence Cazaux

Fanny est le portrait d’une femme qui, à 55 ans, ne veut plus s’absenter du désordre du monde.

Mon combat d’autrice, c’est de revendiquer la nuance et la bienveillance », explique Rébecca Déraspe, jeune dramaturge et scénariste québécoise, découverte en France en 2018 avec Ceux qui se sont évaporés, une pièce évoquant la pulsion profonde de fuite et de disparition. Son nouveau texte, Fanny, est une œuvre singulière, lumineuse et drôle sur l’émancipation féminine. C’est une pièce dense, l’autrice prend le temps de nous faire entrer dans les méandres de son personnage. Fanny vient d’avoir 55 ans, elle vit en couple avec Dorian, ils sont amoureux, heureux, mais n’ont pas d’enfant. Pour rompre la routine, ils décident d’héberger Alice, une jeune étudiante en philosophie de 21 ans. Fanny se met beaucoup de pression pour l’accueillir au mieux, ce qui crée des situations décalées et loufoques. Il faut dire qu’Alice a des idées très arrêtées, elle ne croit pas au concept de couple, les banalités l’ennuient, elle clame son désir d’indépendance, refuse qu’on l’appelle ma belle parce qu’elle trouve ça trop réducteur. Alice est cash et cela trouble Fanny, car elle ne fait pas semblant comme font les gens d’habitude. Fanny se laisse ébranler par les idées de la jeune fille. Un soir, elles se rendent toutes deux dans un café, Fanny suit Alice sans savoir qu’elle a décidé de rendre hommage cette nuit-là aux 14 étudiantes en polytechnique massacrées des années auparavant par un homme de 25 ans à Montréal. Ce fait divers antiféministe, enfoui dans sa mémoire, va servir de déclencheur. Et quand Alice disparaît pendant quelques jours, Fanny se lance à sa recherche. Elle ne veut plus oublier d’être « active », elle ne veut plus s’absenter du désordre, du renversement, de la révolte, de la transformation du monde. Elle va donc entamer tout un processus de transformation radical, contre le manque de curiosité, contre l’immobilité, la vaisselle, la vie qui tourne sur elle-même, le besoin de toujours marcher dans le même sillon, les mensonges du quotidien… sa liste est longue.
L’écriture de Rébecca Déraspe est très rythmique, pas de point final mais de fréquents retours à la ligne comme pour raconter la pensée qui tente de se formuler, les dialogues qui s’interrompent, se percutent… « Je sais que c’est bizarre tout ça/ Mais ça me fait du bien pour vrai/ D’essayer de me reconnecter/ A/ A tout ça/ Les/ Le/ La pensée/ Le changement/ Le “faire”/ Je veux pour vrai trouver ma façon à moi/ De m’imprégner du monde/ Pis de m’imprégner dans le monde. » Fanny nous touche. « Demain demain pourquoi toujours lui donner la responsabilité de nos transformations ? (…) Moi c’est au mot “maintenant” que je veux confier mon bonheur ».
Mais quand Alice devient mère d’une petite fille, les rôles vont s’inverser, la pièce bascule dans l’onirisme avec ce dialogue avec un poisson de l’aquarium invitant Fanny à plonger plus profond pour être à la hauteur de ce que c’est qu’être vivant. Fanny, Dorian et Alice essaient de se libérer des conventions sociales pour inventer leur propre façon d’être dans le monde, ça nous décale comme une grande bouffée d’air frais. Rébecca Déraspe le dit joliment : « Je voudrais vivre dans une société qui alimente la nuance plutôt que le despotisme de l’opinion. Je voudrais qu’on défasse le portrait aliénant de ce que c’est la réussite. Je voudrais qu’on se donne le droit de se transformer. Je voudrais qu’on puisse bégayer nos vies sans être constamment obligés d’affirmer un “je” qui soit ferme et fort. Je voudrais que le sexe d’un individu, sa couleur de peau, sa langue, son poids, ne déterminent absolument en rien son parcours. Je voudrais qu’on puisse se dire “je suis là” sans trembler ou en tremblant justement. De la tête au cœur. (…) Je voudrais qu’on cherche ensemble à ne jamais arrêter de chercher ensemble. » Tel est le parcours de Fanny qui nous donne l’envie de plonger avec elle…

Laurence Cazaux

Fanny
Rébecca Déraspe
Tapuscrit Théâtre Ouvert, 190 pages, 10

La prouesse de la nuance Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°221 , mars 2021.
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