Dans ce récit autobiographique à la première personne, Penda Diouf reprend pour nous le chemin de sa vie, depuis Dijon où elle est née jusqu’en Namibie. Passionnée de course à pied, elle découvre Frankie Fredericks, le sprinter namibien plusieurs fois médaillé olympique. Il représentera pour elle ce corps noir qui court pour « gagner, centimètre après centimètre, le droit de monter sur le podium, même en deuxième position ». Petite fille noire grandie parmi des enfants à la peau blanche, petite fille à qui sa noirceur est toujours renvoyée, il va lui falloir du temps pour rassembler les morceaux de sa vie, en faire une trame sur laquelle elle pourra peut-être courir de nouveau avec légèreté. Ce voyage en Namibie sera pour elle l’occasion de découvrir aussi un pan de l’histoire africaine : que c’est en Namibie, alors possession allemande, qu’eut lieu le premier génocide du XXe siècle et que furent installés les premiers camps de concentration aboutissant au massacre des populations Herero et Nama. Que cette histoire a aussi son héros en la personne de Hendrik Witbooi, « enterré quelque part dans le désert ». Et ses horreurs, quand l’occupant ordonne de récupérer et de nettoyer les têtes des cadavres pour les envoyer à Berlin où un généticien, dont les thèses seront reprises dans Mein Kampf, les mesure « pour prouver que le nègre est le chaînon manquant entre le singe et l’homme ». Penda Diouf court après ses origines. Petit grain de sable qui dévale les dunes, elle aime la couture et les travaux d’aiguille, « Rassembler les tissus d’histoire épars, patchwork cousu d’intime ». Et son écriture bat au rythme de ses pieds qui dansent sur le sable, impatients d’avancer et de recoudre, point après point, les fils qui tissent sa vie. « Et quand tu viens, touriste, dévaler Crazy Dune, batifoler sur les flancs rouges de Big Mama, surfer sur sa croupe rebondie, n’oublie pas le chant du grain de sable. N’oublie pas ce cri muet de l’abandon, de la tristesse et de l’oubli. Ce chant du siècle dernier qui résonne encore aujourd’hui ».
PGB
Pistes… / Sutures
Penda Diouf
Quartett, 96 pages, 11 €
Théâtre Pistes
mai 2021 | Le Matricule des Anges n°223
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Le Matricule des Anges n°223
, mai 2021.