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septembre 2021 | Le Matricule des Anges n°226 | par Chloé Brendlé

Dans G.A.V., Marin Fouqué propose une narration chorale de notre société unie-désunie autour d’un commissariat de police. Inégal mais percutant.

Il est des nuits où l’on se réveille enfin » Cette phrase extraite d’un des récits qui composent la polyphonie de G.A.V. pourrait servir de mantra à l’ensemble du livre, tant l’horizon du deuxième roman de Marin Fouqué semble celui d’une prise de conscience et d’une révolte.
En 2019, l’auteur donnait la parole à un jeune de la grande couronne parisienne, ni banlieusard ni campagnard – c’était dans 77, comme le département ; aujourd’hui il recompose, le plus souvent à la troisième personne, parfois à la deuxième du singulier (tu d’un policier désenchanté) ou du pluriel (vous d’un défenseur d’orangs-outans), parfois à la première (je terrifié et terrifiant d’un ado harcelé) les récits intérieurs et les dialogues d’une dizaine de personnages plus ou moins sympathiques. Certains ont des prénoms ou des surnoms, K-Vembre, Angel ; certains sont victimes de leur faciès, d’autres maquillent leurs crimes sous leur politesse, certains ont des idées anarchistes et des Dr Martens – tous se frôlent à un moment ou l’autre d’une nuit de garde à vue. Dans G.A.V. comme dans 77, on perçoit la volonté qu’a l’auteur de dénouer les identités toutes faites, qu’il s’agisse du « jeune de banlieue », du « manifestant » ou du « violeur ». Apposer directement des étiquettes sur ses personnages serait donc réducteur, non seulement parce qu’ils sont plusieurs humeurs voire plusieurs personnes à la fois, mais parce que, sous le regard des autres, certains changent, dans un croisement de points de vue réussi.
Mais à travers chacun d’eux Marin Fouqué fait entendre la violence sociale ordinaire. Il dépeint aussi bien l’emprise froide des algorithmes sur les intérimaires d’un entrepôt que les brimades et les exactions de la BAC. Il propose une satire généralisée, très pessimiste d’une société dans laquelle « Les humiliations, elles, font partie de l’école, du travail, du maintien de l’ordre et des repas de famille ». Il met à nu les rapports de force à partir de fragments de dialogues ou de descriptions. « Intégral néon-béton. Fracas porte. Cliquetis d’une serrure avec poignée ronde et sillon tracé type labyrinthe. Échos de pas. C’est donc à ça que ça ressemble, l’extrême rebord d’une société. Sans transition, elle pense aux premiers voyageurs qui ont été au bout de la Terre, quand on la croyait plate. Voilà certainement ce qu’ils ont dû ressentir en faisant le tour : pas étonnant, pas rassurant. »
Ce faisant, il prolonge une ligne récente des éditions Actes Sud, celle d’une narration engagée, au carrefour de la sociologie et du roman noir, que l’on songe à Leurs enfants après eux, de Nicolas Mathieu (2018) ou à La Vie légale, de Dominique Dupart (2021). Que ces trois romans soient choraux n’est pas fortuit : cette forme semble modéliser nos fractures contemporaines – notre condition, être seuls, ensemble. C’est par sa langue que l’auteur de G.A.V. se démarque. Nourri de rap, de slam et de poésie, il passe d’un phrasé saccadé à un flux de pensées, accole les consonnes (« épique équipe »), fait riper des mots (« Seul dans une pièce vide, l’humain pense. Et ça le ponce »), se répète – c’est hétérogène et cela vise une forme « ni-roman ni-poésie, mi-manifeste mi-fiction », selon les mots d’une héroïne. Brassant beaucoup de voix, de registres et d’histoires, le roman se disperse parfois, et des raccords lourdingues viennent à la fin resserrer la trame. Certains monologues intérieurs comme celui de l’ado, passé d’une liste de tocs à une haine tous azimuts, peinent à être crédibles, tandis que d’autres récits, plus attachants par certains aspects, sont saturés de références – celui de K-Vembre coche inutilement – et contre-productivement – tous les combats du féminisme. Demeurent les doutes et les vrilles de certains personnages, Angel, par exemple, et des questions qui deviennent les nôtres : « Quelle radicalité ? Quoi embrasser ? Quoi refuser ? Pour ou contre quoi se lever ? »

Chloé Brendlé

G.A.V., de Marin Fouqué
Actes Sud, 444 pages, 22

KO social Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°226 , septembre 2021.
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