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Domaine français Mobile ou gyrovague ?

octobre 2021 | Le Matricule des Anges n°227 | par Éric Dussert

Pleine de sagesse et de subtilité, Edith de la Héronnière documente ses voyages en pleine nature. à ranger près des livres de Nicolas Bouvier.

Édith de La Héronnière n’a pas attendu la mode du « nature writing » pour se promener, ni pour écrire. On dirait même qu’elle n’a jamais fait que ça, de chemins de traverse en pèlerinage, un carnet en poche (de sac à dos). La collection « De Natura Rerum » est donc son bocage naturel. Sa cabane. Son territoire. Elle y entrepose avec Chemins de traverse plusieurs chroniques indéniablement personnelles – un genre d’objet littéraire peu commun malgré les apparences – puisqu’elle y évoque les stylos qui fuient, la cueillette du champignon allongée à la même le sol, les routes calamiteuses de Sicile ou encore son ami le poète Christian Belle (dit Basile Sainte-Croix) auquel elle dédie l’un de ses chapitres. Et surtout la nature qui l’entoure. Toute la nature, rien que la nature, toujours la nature. « Le sol de la Chaume est fascinant, il inciterait (presque) à la géophagie. Mélange de terre sèche et de roche, ce qui y pousse est microscopique et souvent aiguisé : touffes, mousses, piquants, graminées qui ont réussi à croître dans cette minéralité. L’été, œillets du poète et chardons Roland embellissent la prairie réservée aux chevauchées de la tribu. Les bouses de vache et les crottes de bique signalent les tracés aléatoires des ovins et des bovins, espèces gyrovagues par nature. »
Les animaux ne sont pas les seuls individus gyrovagues sur notre planète, et Édith de La Héronnière le sait bien qui ouvre son livre ménagement : « Aller droit est une illusion, depuis que nous savons que la Terre est ronde. Quel que soit le chemin, qu’il soit battu, raccourci, sans issue, pentu, bossu, ardu ou rectiligne à l’infini, nous tournons en rond, la seule possibilité restante étant d’élargir le plus possible le cercle. » Au fond, selon elle, c’est une question de destin de l’humanité, ou plus simplement de nature humaine, ce besoin de se mouvoir en déplaçant des montagnes de pensées, de songe-creux, d’idées folles et… un sac à dos. On y range des tas de choses utiles ou non, des souvenirs, des impressions, des sensations et des histoires à raconter, comme la mésaventure du prince de Satriano évoquée à demi-mot par Lampedusa à propos des routes incarrossables de l’île. Pour le reste, des remarques sur le papier froissé par la main de l’auteur, voué sous la forme d’un « origami sauvage » à la corbeille, et ce constat : « Tous les stylos fuient, surtout les Montblanc (…). Leur fuite, l’excès d’encre, est leur manière d’accompagner le travail d’écriture, de signaler qu’il participe lui aussi à l’effort, qu’il peinte, accroche, renâcle ou s’emballe et en perd ses moyens.  »
Ses lecteurs le savent déjà : les pages que tournent Édith de La Héronnière, son train simple et son indiscutable grâce que beaucoup de voyageurs peuvent lui envier sont indéniables. Elle semble procéder de Nicolas Bouvier ou d’un autre à peu près comme lui. Partout où elle se penche, elle scrute et trouve joies ainsi que compensations aux défauts. C’est une nature. Se figure-t-on qu’elle trouve bénéfice y compris au pilon ? Son « effet salvateur » explique-t-elle « est de ramener l’auteur à l’essentiel : l’instant présent de la création, consistant à tout donner – son bonheur, son confort, sa vie – pour un chapitre, une page, un paragraphe parfois, un ensemble cohérent de phrases rendant compte de l’extraordinaire aventure qu’est le fait d’être en vie, de ressentir, cruellement ou délicieusement, ce fait insondable et d’en transmettre à d’autres – ne serait-ce qu’à un seul lecteur – la joie éphémère. C’est aussi en cet instant la conquête d’une liberté de créer et, une fois conquise, l’entretien jour après jour de cette flamme de communiquer ainsi quelque chose qui nécessairement échappe à son auteur et s’en va aux quatre vents comme les pistils de pissenlit, rejoindre l’espace pneumatique de tout ce que l’homme a conçu et concevra – ce que Teilhard appelait la noosphère. Car, au fond, tout nous échappe et nulle création n’a de valeur sans la conscience aiguë d’une destruction à venir. » Au-delà de la beauté des Chemins de traverse d’Édith de La Héronnière, son Grand Tour est plein de sagesse. Lumière et délicatesse : pourquoi se priver ?

Éric Dussert

Chemins de traverse. Grand Tour,
Édith de La Héronnière
Illustrations de Xavier Carteret
Klincksieck, 224 pages, 19

Mobile ou gyrovague ? Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°227 , octobre 2021.
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