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Domaine étranger Sous le ciel étoilé

octobre 2021 | Le Matricule des Anges n°227 | par Lionel Destremau

Une esclave noire en fuite, un jeune soldat blanc : deux errances singulières au cœur de la guerre de Sécession.

Le Cercueil de Job

Lance Weller a déjà époustouflé les lecteurs avec ses deux précédents romans, Wilderness et Les Marches de l’Amérique, l’un comme l’autre nimbés dans l’histoire américaine. Le Cercueil de Job se situe dans le droit fil des précédents, tant il confirme la puissance narrative de son auteur, en nous immergeant cette fois-ci dans la guerre de Sécession. Mais si cette toile de fond est rendue à merveille, que ce soit dans les effroyables descriptions de batailles, de leurs tumultes jusqu’à leur conclusion sanglante, ou dans les mouvements troublants d’un camp à un autre au sein d’un même État, le Tennessee, partagé entre unionistes et confédérés, c’est encore une fois pour mieux mettre l’accent sur des individus en particulier. Sans doute est-ce là d’ailleurs une des différences avec un auteur comme Shelby Foote, qui fit de la guerre américaine un de ses sujets de prédilection mais en s’axant principalement sur le déroulement des faits historiques. Chez Weller, aussi scrupuleuse et réaliste soit la reconstitution, elle est avant tout mise au service des personnages sur lesquels il a posé sa focale de romancier. Et de quelle manière !
On suivra ainsi les destins parallèles d’une esclave adolescente en fuite et d’un jeune engagé dans les rangs sudistes. Bell Hood a perdu son père, pendu après trop de tentatives d’évasion, et a été marquée au fer rouge sur le visage avant d’échapper à ses maîtres, partant à la poursuite du mythe paternel d’un pays de cocagne situé sous le groupement d’étoiles du Cercueil de Job, là où les Noirs trouveraient liberté et respect. Dans son errance, elle croise la route de deux autres esclaves en fuite, Dexter, un jeune émasculé, puis January June, rescapé d’un camp de l’armée. Ensemble, ils vont tenter de rejoindre le Nord, en passant à travers les lignes, les champs et les bois et en s’extrayant de situations et de rencontres dangereuses : « avant ? Le monde était fermé. Mais il s’est ouvert, et il continue à s’ouvrir à mesure que j’avance », dit Bell Hood.
De son côté, Joe Hoke a intégré une troupe de confédérés après la mort d’un père, ancien mineur et véritable brute avinée au service des esclavagistes, qui le haïssait depuis le décès de sa mère en couches. Devenir un soldat n’était pas une vocation, contrairement à son compagnon Charlie King, fervent défenseur des valeurs du Sud, et Hoke est plutôt circonspect sur le bien-fondé de la guerre. Ce pourquoi, sachant « qu’une chose aussi insignifiante qu’un carnage ne mettait jamais fin à rien », après la terrible bataille de Shiloh dont il sort les mains définitivement mutilées, il se laisse recueillir par des fermiers nordistes et finit par déserter. Comme Bell Hood, il va à son tour errer sur les chemins, en quête d’une rédemption pour un événement du passé qui le hante et le relie à la jeune esclave… Chacun à sa façon, chaque personnage qui impacte le destin des protagonistes représente une facette de l’Amérique telle qu’elle s’est violemment construite : l’horreur d’une guerre civile bien sûr, mais aussi la façon dont un daguerréotypiste saisit cette meurtrissure de l’histoire, tout en donnant ce qu’il possède en échange de la libération d’un esclave, ou à l’inverse ce vieil homme dépouillé par des maraudeurs, ligoté et enfermé dans le ventre de son cheval mort, puis libéré et sauvé par les jeunes esclaves en fuite, mais qui ne pourra s’empêcher de vouloir ramener ces Noirs à leur maître.
La force du roman est dans ces ambivalences permanentes, ce regard porté sans jugement sur une nature humaine complexe aux prises avec un monde où abréger les souffrances et la lente agonie d’un soldat à coups de marteau est un geste de mansuétude et de pitié, mais qui cependant poursuit son auteur comme le pire des cauchemars. Un roman qui est à la fois une fresque pleine de bruit et de fureur et une épopée humaine intimiste bouleversante.

Lionel Destremau

Le Cercueil de Job
Lance Weller
Traduit de l’américain par François Happe
Gallmeister, 468 pages, 25

Sous le ciel étoilé Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°227 , octobre 2021.
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