Chef de fabrication, il y a encore peu, Arnaud Frossard a travaillé pendant treize ans à l’imprimerie Floch-London, sise rue de la Grange-Batelière à Paris, jusqu’à sa fermeture en 2014. C’était un haut lieu de l’édition française. Cela laisse des traces. Et des désirs aussi. Il crée sa maison dans la foulée. Publie de temps en temps, au gré des amitiés. « L’édition était un peu ma danseuse », dit-il, avant de découvrir les rouages du métier chez Viviane Hamy. Aujourd’hui, La Grange Batelière est diffusée par Harmonia Mundi. « J’ai appris à justifier mes choix ». Le rythme des parutions s’accélère. Arnaud Frossard se présente comme un autodidacte. Des modèles ? Il cite Finitude (« sa patience et ses choix éditoriaux »), Le Dilettante (« son identité »), La Fabrique (« son engagement et son choix de maquette »), ou encore La Barque (« son acharnement à travailler malgré les difficultés ») avec laquelle il a coédité un recueil du poète chamane Howard McCord. Ces enseignes disent beaucoup où vont ses goûts, ce qui nourrit son catalogue : un pied dans les siècles passés (Régis Messac, George Sand, Alexandre Dumas, Erckmann-Chatrian), un autre plus contemporain, la collection « Les Croisements » y accueillant récit, chronique sociale, poésie, document. Du mordant et des échappées belles.
Arnaud Frossard, quels souvenirs gardez-vous de votre expérience à l’imprimerie Floch-London ? En quoi fut-elle un déclencheur pour lancer votre propre maison d’édition ?
Lorsque je suis embauché en 2001 à l’imprimerie Floch-London, le site compte encore une quinzaine de personnes. Les métiers n’ont que très peu été touchés par la modernité numérique ; certains ouvriers sont entrés en apprentissage à 14 ans. Le travail est difficile, le bruit couvre difficilement les coups de gueule mais la solidarité est inévitable tant les ateliers dépendent les uns des autres. Le site a été racheté par l’imprimerie Floch quelques années auparavant mais garde encore un pied dans les souvenirs de l’imprimerie Jacques London. Portant le nom de son fondateur, cette dernière a été créée juste avant la Deuxième Guerre mondiale. Rescapé des camps de concentration, Jacques London réussit à reprendre possession de son entreprise à son retour. Imprimerie de prestige, elle imprime pour le Centre Pompidou, la Réunion des musées nationaux, les salles des ventes… et chose plus originale, elle imprime pour le compte des Études soviétiques et des Éditions Sociales de nombreux documents de propagande : revues, beaux livres, livres à la gloire des dignitaires de l’Union soviétique. Mais la chute du mur de Berlin, en 1989, précipitera le déclin de l’imprimerie Jacques London.
Avec le rachat par l’imprimerie Floch, l’activité s’oriente alors vers l’impression couleurs à destination de maisons d’édition de littérature générale. Le site offre aux grands noms de la littérature un atelier d’impression en plein centre de Paris. De nombreux calages, de couvertures notamment,...
Éditeur Les affinités électives
novembre 2021 | Le Matricule des Anges n°228
| par
Philippe Savary
Créée dans un élan fraternel, La Grange Batelière fait la part belle à la littérature populaire et aux curiosités, variant les angles d’attaque.
Un éditeur