Ariane von Berendt est autrice, metteuse en scène, comédienne et chanteuse. Le Sourire crucifié de la bienséance est sa première pièce éditée, lauréate 2020 des Journées de Lyon des auteurs de théâtre. C’est un drôle d’objet littéraire non identifié. Une sorte de jeu de massacre. Berthe va rencontrer toute une galerie de personnages, plus d’une trentaine, aux noms pour le moins évocateurs comme la conseillère de désorientation, la menteuse en scène, Tôteur (un auteur)… Au début de la pièce, Berthe suit des cours de théâtre, mais son problème fondamental, ce sont ses cheveux gras et la pilosité de ses aisselles. Comme le fait remarquer son prof : « Je sépas, tuois, si c’est très pertinent DRAMATURGIKMENT que le non-personnage que tu traverses ait des poils sous les bras. » Ariane von Berendt s’amuse à destructurer la langue, comme si elle voulait la vider de son sens. Alors Berthe, « L’Ostracisée-du-Cheveu-gras », s’engouffra « dans la case qu’on lui avait indiquée/ L’étiquette fit bien son boulot/ Et achemina le produit/ Vers la surface de vente suivante : L’Hôtel Drouot/ Où mentalement elle se vendit elle même aux enchères (…) Faisant ainsi d’elle/ Une délinquante de luxe ». Avec un humour féroce, l’autrice s’attaque à notre société de consommation et de divertissement. Berthe serait comme Pinocchio dans l’île aux plaisirs. En train d’agrandir sa béance jusqu’à l’oubli et la folie, en vendant son âme au plus offrant… Une des dernières séquences de la pièce est un bal féodal où Berthe, en habit de chasse à courre avec fusil et meute de chiens, participe à la curée, belle métaphore de la férocité de notre monde d’argent. Le salut viendra du clodo roi, le porteur de miasmes, et donc de vie, qui s’oppose au tout aseptisé. Quand Berthe conclut sur ses désillusions : « La vie est un mensonge/ Et le langage ne sert de rien » et qu’elle se demande quoi faire, le clodo roi répond : « Partir/ Marcher/ Et ne pas cesser de rêver ».
L. Cazaux
Le Sourire crucifié de la bienséance
Ariane von Berendt
Lansman, 70 pages, 11 €
Théâtre Le Sourire crucifié de la bienséance
janvier 2022 | Le Matricule des Anges n°229
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°229
, janvier 2022.