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Histoire littéraire Un enraciné aux semelles de vent

janvier 2022 | Le Matricule des Anges n°229 | par Richard Blin

Inclassable et contradictoire, mystique et terre à terre, diplomate et dramaturge, qui était vraiment Paul Claudel ? Une biographie signée Claude Pérez le rend à sa multiplicité.

Paul Claudel

"Je suis le contradictoire"
Editions Cerf

Peu d’écrivains ont été comme Claudel enfouis sous leur caricature. Il suffit de prononcer son nom pour que les ricanements pleuvent : dogmatique, cul béni couvert d’honneurs, homophobe, bourreau de sa sœur Camille, intolérant – « La tolérance ? Il y a des maisons pour cela.  » Il dérange, il agace, mais il s’en moquait. C’est un ours, mais un ours qui se rit de son apparence, fréquente Shakespeare, Dante, Lao-Tseu, Saint Jean, Eschyle. Un homme secret que Claude Pérez, dans une biographie s’appuyant sur des archives inédites, rend à son étrangeté et à son énergie.
Né en 1868 dans un petit village du Tardenois (Aisne), Paul Claudel est le fils d’un receveur de l’enregistrement et d’une mère, fille du médecin du village. Il a deux sœurs aînées, Camille (1864) et Louise (1866), et connaîtra une enfance où les échanges physiques n’existaient pas. Il a 13 ans quand la famille s’installe à Paris pour favoriser la vocation artistique de Camille. Il y achèvera ses classes au lycée Louis-le-Grand, une période dont il conservera toute sa vie un « souvenir atroce » même si ses condisciples se nomment Romain Rolland, Marcel Schwob, Léon Daudet.
Bachelier en 1885 – « J’ai réussi parce que j’avais des professeurs extrêmement méchants » –, il suit les cours de l’École de Droit et des Sciences Politiques. Jeune homme sauvage, il découvre Rimbaud en 1886. C’est le choc. « Il a eu sur moi une action que j’appellerai séminale et paternelle. » Loin des certitudes scientistes de l’époque, c’est l’imprévisible qui s’offre à chaque page. Et comme si Rimbaud lui avait ouvert les portes du surnaturel, il va, le soir de Noël 1886, rencontrer Dieu à Notre-Dame. « En un instant mon cœur fut touché et je crus. » Une conversion qui ne deviendra complète qu’avec la communion du jour de Noël 1890. Dès lors, inébranlablement, il croira.
Il écrit Tête d’Or, le premier de ses drames, et la même année est reçu premier du Grand concours des Affaires étrangères. Il choisit la carrière consulaire plutôt que celle des ambassades parce qu’il a le sentiment de ne pas être de ce monde-là, lui « sans nom, sans fortune familiale, un rustre ou se croyant tel, terrorisé par les dîners en ville ». Nous sommes en 1893 et une longue carrière diplomatique commence : Boston, Shanghaï puis Fou-chéou, en Chine, un pays où il dira avoir vécu « une plénitude de corps, d’âme et de sens » et dont il rapportera les poèmes de Connaissance de l’Est. Lors d’un retour en France, il sollicite une réponse de Dieu quant à sa vocation religieuse : « Dois-je me faire moine ? Dois-je entrer à Ligugé ? Non. Et voilà. »
Mais alors que Dieu lui dit non, une femme va lui dire oui. Sur le bateau qui le reconduit en Chine, il fait la connaissance de Rosalie Vetch, qu’accompagnent son mari et ses quatre enfants. Elle est belle, incarne la femme, la chair, et pour lui qui est vierge ou à peu près, c’est vertigineux, le monde bascule. Il a 32 ans et vient de rencontrer l’amour fou. Débute alors une passion sans frein qui durera quatre ans, jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Une passion qu’il transposera sur scène à travers le personnage d’Ysé, dans Partage de midi, et celui de Prouhèze, dans Le Soulier de Satin. Dépité, il se marie (1906) avec la fille de l’architecte de la cathédrale de Fourvière. Le lendemain de leur mariage, elle lui interdira de paraître devant elle sans col et sans chaussures, mais lui donnera quatre enfants.
Après la Chine, Claudel exercera à Prague, à Francfort, à Hambourg. De 1915 0 1920, il connaîtra Rome, Rio de Janeiro, Copenhague. À 50 ans, ministre plénipotentiaire au Brésil, il renoue, après treize ans de silence, avec Rosalie, qui lui apprend qu’il a une fille, Louise. Ambassadeur de France au Japon, il se trouve à Tokyo lors du grand séisme de 1923, qui détruira son ambassade et une partie de ses manuscrits. En 1935, sa carrière prend fin et il vivra entre Paris et Brangues, se consacrant au commentaire de l’Écriture sainte. Un moment pétainiste, il se ralliera à de Gaulle avant de vivre la grande gloire. Il est élu à l’Académie française et sa collaboration avec Jean-Louis Barrault lui apporte un public qu’il n’avait jamais eu.
Tel fut cet homme à qui la terre entière aura servi de promenoir, et qui aura renversé tout ce qui pouvait l’arrêter. Il aura su concilier intelligence et instinct, louange et refus de la jouissance dans une acceptation enivrée de la vie dont sa poésie, tout en sensations et musique verbale, témoigne autant que son univers théâtral. « Pour être un artiste, il ne sert à rien d’avoir Dieu au cœur si l’on n’a le diable au corps. »

Richard Blin

Paul Claudel
Claude Pérez
Cerf, 570 pages, 24

Un enraciné aux semelles de vent Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°229 , janvier 2022.
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