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Théâtre Du soleil et de la colère

avril 2022 | Le Matricule des Anges n°232 | par Patrick Gay Bellile

Lorraine Hansberry met en scène les préjugés raciaux qui font obstacle aux rêves d’une famille afro-américaine dans les années 50.

Peu de gens en France connaissent Lorraine Hansberry, cette jeune autrice américaine, née en 1930 et morte prématurément à 35 ans, militante pour les droits civiques et les droits des femmes. Sa pièce Un raisin au soleil, écrite en 1959, est non seulement un grand classique du théâtre noir américain, mais également la première pièce écrite par une femme noire et montée à Broadway, avec Sidney Poitier dans l’un des principaux rôles. En 1991, Samuel Légitimus, comédien et metteur en scène, constatant la présence insignifiante des acteurs et actrices noires sur les scènes françaises, alors qu’ils sont de plus en plus nombreux, se met en quête d’un théâtre qui leur offrirait naturellement des rôles puisque écrits pour eux. Et de fil en aiguille, il découvre cette pièce, montée une fois en 1960 au théâtre Caumartin et dans laquelle jouait sa propre grand-mère. Il entreprend de la retraduire et la propose aux éditions de l’Arche qui la publient aujourd’hui. Et cela tombe bien. Car au-delà des notions d’appropriation culturelle dont il a beaucoup été question ces dernières années, c’est la survivance même d’un théâtre noir qui est en jeu, un théâtre porteur d’une immense culture.
La pièce met en scène une famille d’un quartier noir de Chicago dans les années 50. Une famille toujours à la limite, mais qui tient le cap sous la férule tendre et stricte de Mama, la maîtresse de maison, dont le mari vient de mourir et qui doit toucher les 10 000 dollars d’une assurance-vie. À qui appartient cet argent ? Que va-t-on en faire ? Acheter une maison comme le souhaite Mama ? Payer des études à Benethea la fille aînée qui veut être médecin ? L’investir dans une affaire qui pourrait rapporter beaucoup d’après le fils ? Les débats vont bon train, les arguments sont tous aussi solides les uns que les autres, les rêves s’affrontent et les rebondissements ne manquent pas.
Mais au-delà de l’action elle-même, il y a autre chose qui nous tient dans ce récit. Quelque chose qui apparaît petit à petit, aussi bien dans les dialogues que dans les didascalies. Et c’est une autre histoire qui surgit de ce petit logement, bien tenu, mais fatigué, usé, et qui a dû connaître des jours meilleurs : l’histoire et le vécu de toute une partie de la nation américaine, opprimée, martyrisée, écartée, victime d’un racisme quotidien, intégré, assumé, que l’on nomme généralement « ordinaire » comme si cela était normal et naturel de considérer une partie de l’humanité comme inférieure et devant s’assimiler, « renoncer à sa culture pour s’immerger complètement dans la culture dominante ». Une culture dominante qu’incarne à merveille Karl Lindner, le gentil monsieur blanc qui vient conseiller à la famille Younger de ne pas s’installer dans un quartier blanc parce que « les habitants de Claybourne Park, à tort ou à raison, sont convaincus que (…) pour le bien de tous, les familles de couleur sont plus heureuses lorsqu’elles vivent au sein de leur propre communauté ». Tout cela dit sans animosité aucune. Mr Lindner constate simplement que c’est comme ça, que personne n’y peut rien, que « ce sont des gens simples, honnêtes et travailleurs, qui n’ont pas grand’chose d’autre que leur maison ». D’ailleurs, récemment, un attentat fomenté contre une famille noire installée dans ce même quartier blanc leur donne raison. Même si bien sûr tout le monde déplore cet état de fait. Il n’y a aucun didactisme dans ce texte, aucune vision simpliste de l’état du monde. Et les Noirs ne sont pas idéalisés. Ils ont des rêves bien sûr, des rêves d’indépendance, mais « Quid des escrocs, des voleurs, voire des simples idiots qui prendront le pouvoir pour voler et piller, exactement comme avant, sauf que là, ce seront des Noirs et qu’ils le feront au nom de la nouvelle Indépendance ? » Ils sont partagés, tiraillés, à l’image de Benethea dont le cœur balance entre George, bien intégré, trop peut-être, et Joseph Asagaï, un jeune Africain qui lui propose de le suivre en Afrique pour renouer avec ses racines ; Benethea qui voulait être médecin pour réparer les gens, mais qui se rend compte « que ça ne touche pas à la véritable souffrance humaine ». Et l’on se prend à aimer cette famille, à espérer avec elle, à prendre parti souvent. Jusqu’au bout d’un texte par ailleurs remarquablement traduit.

Patrick Gay-Bellile

Un raisin au soleil
Lorraine Hansberry
Traduit de l’américain par Samuel Légitimus et Sarah Vermande
L’Arche, 144 pages, 15,50

Du soleil et de la colère Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°232 , avril 2022.
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