Un livre

Ce prochain amour

de Nora Benalia

Editions Hors d'atteinte

En avoir ou pas ? Les petites gonades masculines entretiennent d’énor-mes polémiques. Associées au courage, elles incarnent aussi le pouvoir masculin, voire l’idée d’un patriarcat qui n’en finirait pas de nier, d’inféoder, de déposséder l’autre sexe. « C’est tout petit une paire de couilles. Ça tient dans une main. Quand on les attrape, on fait rouler les deux petites sphères entre les doigts et ça déstresse, comme les boules chinoises qui font un bruit métallique. C’est plus ou moins mou, plus ou moins lisse et ça donne l’impression de tenir une bombe. » Du courage, Nora Benalia en revendique à foison, de la colère et de l’amour aussi.
Dans ce court premier roman, l’autrice née en 1968, d’une mère belge féministe et d’un père algérien gaulliste raconte une invisibilité, un parcours de vie, l’ordinaire d’une femme pauvre dans un environnement précaire. Sa narratrice lui ressemble : libre, épanouie à 30 ans, elle se destine à une carrière artistique qu’elle troque contre un mariage. Battue, menacée de mort, à 50 ans elle se retrouve seule, élevant trois enfants tout en vivant du RSA. Sa lucidité, sa révolte, son besoin de liberté la font passer pour folle aux yeux des siens. Elle hurle ici sa solitude, ses désirs, le besoin d’être reconnue, aimée, correspond avec des hommes sur Internet et entretient avec l’un d’eux une relation singulière, d’un grand lyrisme. Un trobar de loin vers un être aimé, idéalisé, inaccessible, presque virtuel, mais toxique aussi.
Ce récit au pathos brut sans chichis touche par la puissance, la fulgurance, l’intimité du témoignage. Un cri des profondeurs du corps, des âges. Une mise à nue tendue, à la limite de l’impudeur. Son écriture vive, directe révèle un percutant sens de la formule, à l’image de ce revolver (métaphore du sexe masculin ?) transmis par son correspondant, que la narratrice trimbale dans son sac à la fin de l’ouvrage. Pistolet d’amour ou de rage ?

Dominique Aussenac

Ce prochain amour
Nora Benalia
Hors atteinte, 208 pages, 17 €