Ce sont des poèmes publiés en revues (Organisation de la chute, Par ici la sortie !, Sabir, Sunset RS, etc.) chez ses premiers éditeurs (Derrière la salle de bains, Plaine page, Cheyne) ou issus de commandes auxquelles Laura Vazquez, 36 ans, a répondu. Son premier roman La Semaine perpétuelle (éditions du Sous-sol) paru l’an dernier avait révélé à un plus grand nombre de lecteurs la singularité d’une écriture dont on ne saurait trouver ailleurs un équivalent. En rassemblant ici ces poèmes épars, l’anthologie qui couvre les années 2014-2021, nourrit à son tour le sentiment pour le lecteur d’être face à une révélation. Lire Laura Vazquez s’apparente à vivre une expérience toujours renouvelée tant la plasticité de ses textes échappe à leur fixation (dans un sens, un sentiment, une pensée ou une image). Le poème ici serait comme une photographie argentique en cours de développement qui passée dans le bain de révélateur laisserait apparaître sur le papier des formes, des images impossibles à fixer, mouvantes sans cesse. Par un jeu sur la logique (« l’inverse d’une parole n’existe pas/ il n’y a pas de contraire pour un prénom »), les juxtapositions insensées (« montagne plate/ lourde// bébé à crâne mou/ un chien à l’odeur de pain ») et l’accumulation encyclopédique (comme s’il fallait sauver le monde en l’écrivant), Laura Vazquez déploie tout un continent de mots à travers lesquels le lecteur chute, pénétrant dans sa lecture les interstices que les phrases ouvrent en lui. Cette porosité, ce que le montage des images rend invisible mais présent, déploie une énergie organique qui semble sans limite. Et de fait, la poésie de Laura Vazquez se régénère à chaque lecture puisqu’elle est sans cesse une énigme qui touche à l’énigme même de notre présence au monde.
Laura Vazquez, il est rare qu’un grand éditeur propose à un ou une jeune poète de publier une anthologie de ses textes. Comment en êtes-vous venue à publier Vous êtes de moins en moins réels au Seuil et comment s’est construit ce livre ?
C’est la maison d’édition Points qui m’a proposé de composer une anthologie de mes poèmes ; et c’est l’éditeur de mon premier roman, Adrien Bosc (éditions du Sous-sol), qui leur a soufflé l’idée. J’ai la chance d’avoir un éditeur qui porte un regard large sur les œuvres. Il a tout de suite compris que mon écriture parcourait et parcourra aussi bien le roman que la poésie.
Comme pas mal de poètes, j’ai publié beaucoup de textes en revues, sous forme de plaquettes (éditées par Marie-Laure Dagoit) et chez différents éditeurs de poésie. Il y avait là assez de matière pour former quelque chose à travers les années. Cela ressemble à un bloc de temps. C’est ainsi que je vois cette anthologie : comme la matérialisation d’une étape, une période d’écriture assez longue, allant des poèmes publiés en 2014 jusqu’à des poèmes écrits en 2021, souvent brefs, parfois écrits à partir de commandes de la part de revues, ou de festivals, ou pour la radio....
Entretiens S’ouvrir à tous les possibles
avril 2022 | Le Matricule des Anges n°232
| par
Thierry Guichard
En rassemblant sept années de publications éparses, l’anthologie de la jeune Laura Vazquez vient confirmer l’émergence d’une voix poétique inouïe et puissante.
Un livre