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Égarés, oubliés Un surhomme et quelques déluges

novembre 2022 | Le Matricule des Anges n°238 | par Éric Dussert

Fille de la bonne bourgeoisie protestante, Noëlle Roger n’a pas tout réussi dans le roman, mais elle n’a rien raté en se tournant vers le SF et en inventant, elle aussi, un surhomme.

Le 28 décembre 1924, la dernière page de Paris-Soir donnait un magnifique encadré publicitaire, sobre mais efficace, portant ces mots : « Vient de paraître : Noëlle Roger/ Le Nouvel Adam/ roman » et ce commentaire apéritif : « Vous voici, grâce à une greffe cérébrale (à laquelle travaille en secret maint savant) doué d’un pouvoir sans égal. Qu’allez-vous faire ? L’auteur l’a prévu. Sa prodigieuse divination vous laissera ébloui ou atterré ! » Avec toute l’astuce de la mercatique qui s’ébattait alors avec effusion à la grande époque de la publicité jaillissante – littéraire aussi –, Albin Michel jouait une carte remarquable : sa romancière était comparée à Jules Verne parce que certaines de ces fictions étaient inspirées par les éventuels développements futurs de la science, mais elle aura connu tout au long de sa carrière une réussite à double détente.
Auteure d’un récit de voyage En Asie mineure. La Turquie de Ghazi (Fasquelle, 1930) où l’on trouve « de petits tableaux concis et colorés » (Paris-Soir), d’un essai sur Jean-Jacques Rousseau, de nombreux romans où les relations matrimoniales comptent pour beaucoup (trop), ce sont ces dernières qui font ronchonner la critique au fil des ans. Son activité journalistique pour la presse helvétique laisse pourtant des traces assez positives. Témoin ce rappel dans une publication romanophile aux sources bien effacées qui nous tombe sous les yeux : « Cette amie des tziganes, Noëlle Roger, écrivait déjà en 1914 dans La Route de l’Orient : “Ce rire des tziganes, cette gaîté sans limites, sans arrière-pensées, sans ombre, nous ne l’avons rencontré nulle part (…). Tziganes roumains, tziganes turcs, tziganes bulgares. tziganes hongrois, tziganes fixés et tziganes nomades, ils appartiennent tous à la même famille humaine, préférant vivre dans la misère, en parias, plutôt que se plier aux lois”. » Mais un François Le Grix ne s’en laisse pas conter lorsqu’il chronique un roman de l’avant-guerre il n’hésite pas au plaquage : « Si Mme Noëlle Roger ne possède pas complètement l’art de la fiction, du moins est-elle déjà un grand poète des paysages de l’âme »… Et, de fait, ses personnages de jeunes femmes et d’épouses sont confrontés au mensonge, à l’usure du couple, à la fêlure de l’âme qui conduit au renoncement et, parfois, à la volonté de suicide. Bref, la technologie évolue, l’éthologie humaine reste sempiternellement la même… Noëlle Roger pouvait être affûtée sur les affaires humaines : son père était l’archiviste, historien et juriste Théophile Dufour (1844-1922), éditeur de la volumineuse correspondance de Rousseau, auquel elle consacrera un essai important, et son époux l’anthropologue suisse Eugène Pittard (1867-1862) qu’elle avait épousé en 1900 (elle-même était née le 25 septembre 1874 à Genève où elle disparaîtra le 14 octobre 1953).
Après ses voyages en Asie mineure avec son mari, et son expérience d’infirmière de guerre (Carnets d’une infirmière, 1915) où elle reproduit les propos des blessés, un document très intéressant au demeurant, elle s’adonne au sortir de la guerre à la littérature conjecturale qui va l’inscrire durablement dans les mémoires des amateurs de fantastique et de SF. La réédition de son Nouvel Adam (1924) où le surhomme nietzschéen reprend les pas du Frankenstein de Mary Shelley. Mais il y a encore Celui qui voit, en 1926, évoquant la clairvoyance, Le Nouveau Lazare (1935), et jusqu’au déluge (Le Nouveau Déluge, 1922), et, spéciale dédicace aux bibliophiles, le livre assassin (Le Livre qui fait mourir, 1927), un nouveau monde perdu avec Cro-Magnons d’époque (La Vallée perdue, 1940). Rien de tout cela n’est traité sur le mode enthousiaste : l’Homme étant l’Homme, on ne va guère vers l’Utopie… Le bibliographe Pierre Versins considérait que son chef-d’œuvre était Le Soleil enseveli  : son récit permettait d’entrer en Atlantide grâce à une île résurgente.
Attaquons déjà son Nouvel Adam qui prouve qu’elle et son mari échangeaient beaucoup sur ces questions de manipulations des êtres et des travaux de physique expérimentale. Un savant greffe « un complexe de glandes » sur le cerveau d’un interne subclaquant après une tentative de suicide ratée… L’opération réussit et le jeune homme devient un génie aussi éminemment puissant que psychiquement instable : inventions de vaccins contre le cancer, de dispositifs techniques, etc. C’est au moment où il invente l’hyperuranium ou qu’il s’échappe de l’asile où on a été contraint de l’interner qu’il y a de quoi s’inquiéter. D’ailleurs son créateur en arrive à regretter son geste et tente d’éliminer son surhomme… Et naturellement, comme dans les bons vieux feuilletons, vous vous doutez bien que ce n’est pas ici, au terme de cet article, que l’on va vous raconter la fin de ce roman délicieusement inquiétant.

Éric Dussert

Le Nouvel Adam
Noëlle Roger
Préface de Michel Porret
La Baconnière, 338 pages, 12

Un surhomme et quelques déluges Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°238 , novembre 2022.
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