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Poésie L’énorme densité de presque rien

janvier 2023 | Le Matricule des Anges n°239 | par Richard Blin

Avec sa poésie de plain-pied, son phrasé parlé et sa façon de vivre-écrire, James Sacré fait du poème la présence même.

Une rencontre continuée

Précieux le nouveau volume de poche/poésie des éditions du Castor astral. Il permet de (re)découvrir tout ce qui fait le prix et la saveur des textes de James Sacré. Dédié au peintre et dessinateur Yvon Vey, il reprend des poèmes presque oubliés accompagnant les dessins de ce dernier, mais aussi des textes écrits dans la compagnie des photographies de Bernard Abadie. Ces rééditions de livres dus à des rencontres « qui nous échappent en se continuant », sont suivies d’un ensemble de poèmes inédits. Un livre qui rassemble des titres s’échelonnant de 1972 à 2021, ainsi qu’une « Carte d’identité poétique » bien utile pour aborder le reste de l’œuvre.
Né en Vendée en 1939, James Sacré a grandi dans la ferme familiale avant de devenir instituteur puis de partir, en 1965 – l’année de Relation, le premier livre publié – pour les États-Unis où il soutiendra une thèse sur la poésie baroque et deviendra enseignant en langue et littérature française, dans le Massachusetts. Il vit désormais à Montpellier et son œuvre est riche d’une soixantaine de titres.
Poète difficile à classer mais poète essentiel d’aujourd’hui, James Sacré c’est un ton, un dire très concret, qui sonne vrai et s’ancre dans la vie et les expériences les plus communes. Mais c’est d’abord une langue reconnaissable entre toutes, une langue qui rompt avec le grand interdit scolaire d’une oralité de l’écriture. D’où une poésie qui détonne, n’est pas poétiquement correcte, a quelque chose de suranné et en même temps d’extrêmement audacieux. Un mélange de malice et d’effronterie qu’il met au service d’une poésie qui est toute dans un geste d’accueil, un geste de mots qui est une invite à autrement regarder « le monde là-devant », les cailloux, des « patates », des dessins de tuyaux. « Tuyau c’est comme / Un mouvement d’épaule / Ou presque avec sa rouille / Une aisselle un pli de slip / C’est comme en tout cas presque / Du plaisir presque rien quel cœur inquiet ».
Jouant de la coupe des vers comme du lié de la prose, Sacré peut passer de l’un à l’autre sans vraie rupture tellement leur rythme interne reste semblable. Un art de l’enchaînement qui préside aussi à la composition de ses livres. Le poème, en effet, n’est jamais isolé mais se situe dans une suite, une succession de saisies qui dénote une insistance à reprendre, réénoncer, réagencer autrement les mêmes motifs. Des reprises qui sont autant d’approximations, d’essais de relations, de quête de la bonne allure, de tentatives pour donner un visage à la phrase. Ces répétitions, qui sont des réinventions continuelles, cette « boulange » de la matière du langage bâtissent l’équilibre toujours précaire du poème. Outre le plaisir de tourner la forme, il y a, dans le bougé de cette écriture, une façon de nous plonger au cœur du geste d’écrire, et de donner à voir, sinon à lire, combien écrire c’est toujours recommencer, rassembler, relancer. James Sacré, d’ailleurs, s’interroge souvent sur cette fabrique de mots qu’est le poème, sur ce « nœud d’encre et de lettres » qui, cherchant, par exemple, à dire un paysage, n’aboutit qu’à un paysage de mots « mais sans odeur, et pas de gestes qu’on pourrait faire / Dedans », comme il l’évoque dans Broussaille de bleus (Le Réalgar, 2021).
Cette écriture gestualisée n’est pas la seule caractéristique de l’écriture-Sacré. La spécifie aussi la façon qu’elle a de bousculer la syntaxe, d’user de vacillations grammaticales et de tournures de parler qui sentent leur XVIe siècle. Une sorte de savant guingois, un déhanchement voulu qui, sous couvert de fausse maladresse – « ça fait plaisir quand même que c’est mal dit » –, est une manière de désacraliser l’écriture – surtout quand on s’appelle Sacré. Mais d’abord, il s’agit d’être plus vrai, de musiquer au mieux la palpitation de l’affectivité. « N’aimes-tu pas les vieux chiffons ? Papa / En cherchait un souvent / Pour nettoyer son fusil. Et ceux / Que j’enfonçais le pied dedans / En chaussant mes bottes. »
Des poèmes parolés qui disent l’expérience du monde au plus près des choses. « Un poème / Le rassemblement de presque rien ». Mais un « presque rien » qui devient émouvant quand on le sait voué à l’oubli ou à la solitude. Le passage du temps, l’autrefois qui se défait, sont au cœur des derniers poèmes, inédits. « On voit, on ne voit plus. Quand même il y a. / Il y a toujours. » Tout continue donc. Et pourquoi pas par la lecture de Figures qui bougent un peu et autres poèmes (Poésie/ Gallimard, 2015), histoire de retrouver ce vivre-écrire si propre à James Sacré.

Richard Blin

Une rencontre continuée
James Sacré
Préface de Bernard Chambaz
Dessins d’Yvon Vey
Le Castor astral, 202 p., 9

L’énorme densité de presque rien Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°239 , janvier 2023.
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