D’un roman à l’autre, Sarah Hall creuse le sillon d’une écriture engagée, résolument féminine sinon féministe, écologiste, revendicative, dystopique. Ses textes sont intimistes, intransigeants ; elle y aborde sans tabous la sexualité, la violence, les idéologies. Après le postapocalyptique Sœurs dans la guerre (Rivages), elle offre cette fois sa version d’un monde pre/in/postépidémie, et une lecture des arts, de la quête de soi, de l’(in)compréhension, souvent bouleversante.
L’Atelier est un roman du Covid, démarré dès le premier jour du premier confinement, au stylo, dans un carnet. Le texte va et vient, dans la vie d’Edith, entre un temps présent futur : la période du confinement, l’immédiat avant – la rencontre d’Halit, passionnelle, charnelle autant que spirituelle, une histoire d’amour totale, et puis l’enfance, l’adolescence, les voyages. Edith revient sur ce qui a fait d’elle l’artiste singulière qu’elle est devenue, avec ses sculptures dressées vers le ciel, immenses, charbonneuses, totémiques. Elle se livre, sans fioritures. Dans son existence, il y a aura eu des personnages – sa mère Naomi, une extraordinaire non-mère –, quelques virages, des lieux et l’atelier, Burncoat le si bien nommé. La quête minutieuse de toutes ces pièces éparpillées ancre le personnage et le dévoile. Le fond de pandémie, oppressant, s’efface. Il est finalement secondaire, loin derrière la recherche d’une identité mouvante. Loin également derrière les paysages, les éléments : l’eau, le vent, les collines, la solitude, le feu. Là encore, une structure mouvante, enveloppante, à laquelle les personnages se mêlent et s’identifient, dans un milieu qui s’écroule. Le monde, selon Sarah Hall.
Julie Coutu
L’Atelier
Sarah Hall
Traduit de l’anglais par Éric Chédaille
Bourgois, 272 pages, 21 €
Domaine étranger L' Atelier
avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242
| par
Julie Coutu
Un livre
Par
Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°242
, avril 2023.