Fort de ses quatre cents pages et de la soixantaine de textes inédits qu’il rassemble, Le Vent dans les arbres offre une vue imprenable et rétrospective sur l’œuvre de Jean-Pierre Le Goff (1942-2012), lui qui n’avait que peu publié. Sylvain Tanquerel, responsable de l’édition, nous explique en quoi cette publication jette les fondations d’une appréhension nouvelle de cet artiste de l’émerveillement qui visait à « un plus grand palpable » et à une dissolution de la poésie dans l’acte.
Dans votre postface à cet ensemble considérable vous parlez d’une œuvre qui « n’en finit pas d’émerger ». Pourriez-vous raconter brièvement ce qui vous a amené à ce travail d’exhumation ?
C’est, par un détour inattendu, un autre projet de publication qui est à l’origine de ce livre. Il y a quelques années, Laurent Albarracin, animateur des éditions Le Cadran ligné, m’a remis un ensemble dont il était en possession, ayant été l’un des destinataires réguliers de ce que Jean-Pierre Le Goff nommait ses « petits papiers ». Il s’agit d’envois postaux par lesquels il conviait son carnet d’adresses à assister à la réalisation d’un acte poétique, le plus souvent subreptice, dans un lieu déterminé, à une date et une heure précises. Cette poésie d’actes, de lieux et de signes – par laquelle se déploie toute une géographie du rêve – représente une des aventures poétiques les plus étonnantes de son temps, encore relativement peu connue malgré la publication par Gallimard d’un volume rassemblant ses envois des années 1990 (Le Cachet de la poste, 2000). Le désir est né d’en donner une suite, qui recueillerait ses derniers « petits papiers » mais en y adjoignant cette fois les photographies qui viennent établir, selon l’expression de Le Goff, « le constat des opérations ».
C’est pour préparer cette édition que je me suis rendu à la bibliothèque de Brest, afin d’y consulter les archives déposées à la mort du poète en 2012. La surprise fut de taille : pour un auteur ayant peu publié, et de manière tardive (son premier livre, Journal de neiges, date de 1983, alors qu’il a passé 40 ans), il était pour le moins déroutant de se retrouver face au massif d’une centaine de cartons contenant d’innombrables écrits et documents ; et, qui plus est, resté en quasi-jachère, les bibliothécaires s’en trouvant quelque peu encombrés. Au fur et à mesure de mes explorations ont émergé nombre de textes dactylographiés par l’auteur, souvent corrigés de sa main et, pour la plus grande partie d’entre eux, inédits ; le tout de haute teneur poétique. Parmi ceux-ci – entre autres merveilles encore à venir – se dessinait un ensemble qu’on pouvait dater de la fin des années 1970 au milieu des années 1980. J’avais connaissance de certains de ces textes, parus dans des revues de la mouvance surréaliste ou sous forme d’opuscules de diffusion restreinte ; mais personne, semble-t-il, ne soupçonnait l’ampleur du travail d’écriture mené alors par Le Goff, être de discrétion s’il en...
Entretiens Écrire au contact des choses
juin 2023 | Le Matricule des Anges n°244
| par
Guillaume Contré
Poète discret de son vivant, Jean-Pierre Le Goff a laissé une importante somme d’écrits posthumes d’une qualité et d’une ampleur insoupçonnées.
Un livre