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Domaine étranger Le choix d’être autre

juin 2023 | Le Matricule des Anges n°244 | par Julie Coutu

Inspirée d’une histoire vraie, la vraie-fausse autobiographie d’un médecin britannique, au XIXe siècle, au destin hors du commun.

Le Médecin de Cape Town

Amateurs de sensationnalisme, s’abstenir. Pas d’extravagance, pas de transgenrisme ici, sinon une belle dose de féminisme et d’affirmation de soi. Le Médecin de Cape Town raconte un large pan de la vie du Docteur Jonathan Mirandus Perry, né Margaret Brackley (James Barry de son vrai nom), une fille, devenu(e) médecin, puis militaire, puis inspecteur général des hôpitaux militaires, plus haut grade de la fonction, en un XIXe siècle où le progressisme bloque tout net le chemin des filles à la porte des universités, sans parler de carrières dans l’armée.
E.J. Levy écrit un roman et romance à souhait, d’autant qu’elle place au cœur de sa fiction la grande histoire d’amour du médecin de Cape Town. Les faits sont réels, les indices concordants, les personnages dont elle prend soin de changer les noms ont existé mais, elle insiste : il s’agit d’une œuvre fictionnelle, ce qui lui donne toute latitude pour jouer de la chronologie et broder à l’envi, la crédibilité du récit renforcée par une narration à la première personne, « un point de vue peu fiable », explique-t-elle, d’où son choix. Le je se fait alors vecteur du souvenir, de la mémoire vacillante, des infidélités au réel, voix d’une vraie-fausse autobiographie. À raconter, se raconter et parfois s’oublier, à réinventer l’architecture d’une vie – de Cork en Irlande au Cap en Afrique du Sud.
Mais l’essentiel n’est pas là. Ce qui frappe, dans son récit, c’est ce portrait d’une femme, qui devient un homme pour les besoins du genre – une vie entière, caché – mais sans rien de forcé, sans rien de factice, sans rien de genré. À l’écrit, la bascule est radicale, et quasi sans retour. Ses cheveux coupés, une première sortie publique réussie dans ses vêtements de garçon, et Margaret est effacée, le je devient masculin et le restera quasi tout au long du texte y compris dans les passages les plus introspectifs – seule une grossesse laissera réapparaître, fugacement, la femme chez le Docteur Perry. E.J. Levy parvient ici à effacer l’idée du sexe et de sa détermination, non pas en transformant son personnage (autrement que sous des habits d’emprunts, la poitrine bandée, la voix un peu baissée), mais justement, en ne faisant quasi : rien. « Ils ont raison bien sûr, ceux qui disent que je n’étais pas une femme faisant semblant d’être un homme : j’étais quelque chose de bien plus choquant – j’étais une femme qui avait arrêté de faire semblant d’être autre chose, une femme qui n’était qu’une personne, l’égale de n’importe qui d’autre – en étant simplement moi-même : une personne qui avait de l’esprit, était difficile, charmante, têtue, brillante, en colère, je ne faisais plus semblant de ne pas être cette personne. Voilà le scandale, voilà ce qui choque vraiment, encore aujourd’hui. »
C’est ce parti pris, en balance avec un récit très XIXe siècle colonial, plus des piqûres de rappel, discrètes, à la littérature de l’époque (on pense à Jane Austen), qui fait l’originalité de ce premier roman. L’autrice américaine joue les équilibristes avec un texte qui interroge les fondements de l’identité mais surtout la liberté d’être, sans fard, et au-delà, l’égalité, l’égalitarisme et ses conditions. Jonathan Mirandus Perry/James Barry devient alors prétexte, à un questionnement plus large, étroitement, intimement lié à ce constat : « Nous sommes ce que nous disons être ; les gens voient ce qu’on leur dit de voir. Nous sommes notre propre toile, disait mon oncle. » De cette quête, E.J. Levy compose un portrait presque héroïque. Jusqu’à ce que la mort laisse la vérité apparaître.

Julie Coutu

Le Médecin de Cape Town
E.J. Levy
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy
L’Olivier, 416 pages, 23,50

Le choix d’être autre Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°244 , juin 2023.
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