Un livre

Tant que durera la guerre

de Walt Whitman

Editions Finitude

La paix des herbes et des feuilles est trop souvent troublée. Celle du poète de Feuilles d’herbe se voit ravagée par la guerre de Sécession (1861-1865), lorsque les États sudistes crurent conserver l’esclavage et se séparer de ceux du nord. Si nous avons connaissance de la victoire des anti-esclavagistes, nous ignorons trop souvent combien ce conflit de l’ère industrielle, avec force mitrailleuses et artillerie, fut meurtrier : 600 000 morts, 400 000 blessés.
Le jeune frère de Walt Whitman (1819-1892) est porté disparu à l’occasion de la bataille de Fredericksburg. Aussi l’écrivain part-il visiter les champs de bataille, les hôpitaux, pour se dévouer aux blessés, quel que soit leur bord : comme ces « deux frères, l’un du nord, l’autre du sud », qui tous deux ne tardent pas à mourir. En ces lieux de douleurs, « les amputations s’enchaînèrent ». Malgré bien des cas désespérés, son dévouement porte parfois ses fruits : « Pauvres jeunes gens. Il y en a qui sombreraient et abandonneraient littéralement si je ne passais pas un peu de temps avec eux ». George Whitman est bientôt retrouvé, comme à l’issue de cette hécatombe, l’esprit de la « Nation immortelle » ; ce qui est d’un idéalisme passablement excessif.
Si l’intérêt historique de cet agrégat de carnets, de lettres, d’articles est évident, il dévoile également l’humanité profonde d’un poète exalté, mais aussi une sorte d’aumônier laïc ; non sans une érotique attirance pour les garçons en peine, surtout s’ils sont beaux. Le réalisme est criant, la compassion touchante. C’est ainsi que Walt Whitman ajoute des pages mémorables à son « poème-évangile des camarades et de l’amour », pour reprendre un vers du premier poème de Feuilles d’herbe.

Thierry Guinhut

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Thierry Gillybœuf, Finitude, 240 pages, 23,50 €