Voir l’invisible. Histoire visuelle du mouvement merveilleux-scientifique (1909-1930)
Depuis les années 1970 qui ont vu la création de collections comme « Marabout », on ne cesse de redécouvrir cette littérature « marginale » que l’on dit populaire, ou de genre. Et depuis lors on renoue avec le charme parfois un peu suranné des ouvrages de Maurice Renard, de Léon Groc et de maints disciples de Jules Verne et d’H. G. Wells. Ils sont plutôt masculins et ils sont légion. Pour cause : dès le tout début du siècle dernier, remplaçant dans le cœur des éditeurs le récit d’exploration du XIXe siècle désormais passé de mode (mais on retrouvera bientôt les cow-boys et les Indiens), leurs romans d’imagination, de science-fiction, d’anticipation – appellation au choix – usèrent des apports des inventions technologiques pour ficeler des réalités « merveilleuses ». Elles n’étaient plus qu’exotiques mais aussi scientifiques, bizarres ou fabuleuses, selon qu’on penche pour les personnages de savants (plus ou moins fous), de martiens (plus ou moins pervers) ou d’animaux parlants (plus ou moins doux). Tandis que paraissait tranquillement la fameuse « Bibliothèque des Merveilles » (Hachette et Charton, 1864-1956), collection qui établissait des volcans jusqu’au plastique l’encyclopédie des curiosités de la terre et de la science, l’association des notions techniques ou médicales les plus à jour et de l’énergie trépidante du récit en feuilleton offrait en France comme en terres anglo-saxonnes de nouvelles zones à visiter. Radio-spectographie.
Comment définissez-vous le mouvement littéraire qui s’est emparé des merveilles procurées par la science ?
L’expression « merveilleux-scientifique », qui donne son nom au mouvement littéraire dont l’auteur champenois Maurice Renard a cherché à être chef de file, n’est pas une invention de sa part. Le poète symboliste Marcel Réja l’utilise pour qualifier le recours de l’auteur britannique H. G. Wells à la science spéculative, dans le but d’élargir le champ des possibles. On la rencontre aussi associée à Jules Verne, afin d’exalter sa capacité à émerveiller ses lecteurs en allant chercher ses sujets dans la science de son temps. En s’appropriant cette appellation, Maurice Renard revendique une utilisation différente de celle de ses prédécesseurs. Il s’agit pour lui de témoigner à la fois des derniers feux du conte de fées, forcé de s’hybrider à la science pour ne pas mourir, et de la fascination grandissante pour la métapsychique, c’est-à-dire à l’exploration scientifique du surnaturel.
Quelle a été la portée de l’œuvre de Jules Verne, et de ses pairs, dans la « cristallisation » de la fiction scientifico-merveilleuse ?
D’une certaine manière, le mouvement merveilleux-scientifique naît sur les cendres de Jules Verne, disparu en 1905. Pour marquer l’importance de son texte-manifeste, « Du roman merveilleux-scientifique et de son action sur l’intelligence du progrès » publié en 1909, Maurice Renard pratique un symbolique parricide. Il renie l’influence des romans...