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Domaine français France western

janvier 2024 | Le Matricule des Anges n°249 | par Chloé Brendlé

Sept ans après Les Cosmonautes ne font que passer, Elitza Gueorguieva publie dans la même veine autobiographique burlesque un second roman réussi.

Odyssée des filles de l’Est

On l’avait laissée en Bulgarie, aux confins de l’enfance, et dans les remous de la transition démocratique post-soviétique. On la retrouve en France, où elle a atterri au début des années 2000 pour poursuivre des études et la liberté, et où elle découvre que « La République est une planète curieuse ». La narratrice d’Odyssée des filles de l’est est une petite fille presque devenue grande, qui continue de promener sur le monde son regard à la fois naïf et déterminé, depuis la file d’attente de la préfecture de Lyon jusqu’au « vrai eldorado de la défonce de 200 m² au cœur des rues historiques de Croix-Paquet » où elle finit par élire comme on dit domicile, en passant par les bancs de l’université, la gare de Perrache et des champs de maïs. Dans ce nouveau récit d’initiation et d’inspiration autobiographique, Elitza Gueorguieva confirme son talent pour le réalisme décalé, la fantaisie aux accents graves.
Comme Les Cosmonautes ne font que passer, paru en 2016, Odyssée des filles de l’est est en grande partie écrit à la deu-xième personne du singulier et témoigne du goût de l’auteure pour les titres (on s’en persuadera en lisant la table des chapitres, sorte de poème), les listes, et les décalages linguistiques, autant de traits de style qui permettent de conjurer les grandes et petites misères de l’expatriation, et d’insuffler un peu de vie aux règlements français. Ainsi Elitza Gueorguieva prend-elle au pied de la lettre l’expression « décliner son identité » et entend-elle « laissez-pisser » à la place de « récépissé ». S’il y a quelques lourdeurs (la place d’« Hétéros » à Lyon par exemple), le ton un peu enfantin est le plus souvent convaincant (là où dans un genre similaire, le récent premier roman de Léna Ghar, Tutu ou tumeur, paru lui aussi chez Verticales, nous semblait plus artificiel) et traduit assez bien le désir d’émancipation de la narratrice.
Parmi les expressions françaises qui retiennent l’attention de celle-ci, se détache « fille de l’est », expression jugée d’abord flatteuse à son égard, avant que ses enquêtes sur le Net (entre blogs masculinistes et reportages du quotidien Le Monde, dont quelques extraits sont reproduits) et ses rencontres ne l’orientent sur une autre piste. C’est ainsi que le livre bascule, et propose une autre voie que celle des Cosmonautes ne font que passer : un deuxième récit, à la troisième personne du singulier, qui vient retracer la trajectoire de Dora, exilée par choix, mais contrainte à se prostituer. Cette alternance entre deux trajectoires de « filles de l’est », parties de Bulgarie et arrivées à Lyon, en plus de donner du rythme au roman, a l’intérêt de provoquer un décentrement. Décentrement pour l’héroïne, confrontée à d’autres solitudes que la sienne, et décentrement pour le lecteur, transporté dans un pan de l’histoire bulgare et de son « processus de Régénération » nationaliste qui tenta d’effacer la culture musulmane et les minorités, et aboutit à l’exil de 360 000 personnes. Emboîtant les identités les unes dans les autres, dans des chapitres brefs et percutants, Elitza « Gueorrorgireva » nous fait réfléchir sur l’introuvable origine et les difficultés de l’assimilation, sur les injonctions paradoxales faites aux étrangers. Comme le dit le Petit Larousse du savoir-vivre, dont son héroïne met du temps à se séparer, « Les têtes qui dépassent, on les coupe ! ».
Sans gommer les distances entre l’étudiante et la prostituée, l’auteure parvient à donner une dimension collective à sa propre quête. On est curieuse d’un prochain livre, qui poursuivrait l’autobiographie (par l’odyssée d’une artiste en résidence, comme le suggère l’énumération liminaire du livre ?) tout en ouvrant la narration à davantage de polyphonie.

Chloé Brendlé

Odyssée des filles de l’est
Elitza Gueorguieva
Verticales, 163 pages, 17

France western Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°249 , janvier 2024.
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