Point culminant du massif du Mercantour, l’Argentera culmine à 3297 mètres. Il faut en avoir sous le capot pour arriver au sommet par l’arête sud, dite voie Sigismondi. C’est le cas de Ferdinand, nostalgique de cette ascension réalisée quarante ans plus tôt, un personnage-narrateur dans lequel Arrigo Lessana met beaucoup de sa passion baroudeuse pour la montagne et que l’on croisait déjà dans Le Sens de l’orientation, son roman paru en 2015 chez Christian Bourgois. Prenons de l’altitude, donc, avec cet ancien chirurgien cardiaque aux origines italiennes qui a exercé trente ans durant. Lâchant bistouri et scalpel pour les anneaux et mousquetons de la cordée, Lessana a à cœur ici de nous raconter la montagne en suivant les chemins de l’amitié et ceux, aussi, de la grande Histoire. Car des natifs de la région rescapés de la bataille de Stalingrad ont emprunté ces mêmes parois, et avant eux des soldats déserteurs de l’armée de Bonaparte lors de la retraite de Russie. Osant fuir le pire – les carnages de la guerre –, ils ont arpenté, dans le froid et la faim, ces paysages où passent aussi parfois, silhouettes furtives, des loups. « Avec la montagne, on finit toujours par raconter des histoires tristes et moches », dit à un moment le dénommé Aldo, fier chasseur alpin, qui ouvre des pistes « dans le monde d’en haut ».
Non, ils ne sont pas tristes et moches, les récits que nous transmet Lessana sur, finalement, « le plaisir de grimper ». C’est dépaysant, méditatif quoiqu’un peu décousu par moments. Comme une conversation dans un refuge après une rude journée d’efforts ?
Anthony Dufraisse
Oser fuir
Arrigo Lessana
Exils, 104 pages, 16 €
Domaine étranger Oser fuir
mars 2024 | Le Matricule des Anges n°251
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Le Matricule des Anges n°251
, mars 2024.