La rédaction Gilles Magniont
Articles
Bienheureuses castrations
Il vaut la peine de lire Le Petit Polémiste, roman de très imparfaite anticipation, mais d’une troublante profondeur.
À l’entendre sur les ondes, on tend l’oreille : débrouillant la raison d’être de son roman, Ilan Duran Cohen confesse la peur et la tristesse qui l’accompagne désormais en société, cerné qu’il se sent par ces vertus cardinales – engagement, solidarité, responsabilité – avec quoi on ne rigole plus, et tant pis pour celui qui hésite ou déconne, et dont l’enfance n’a pas encore rendu gorge. Ainsi Alain Conlang, héros-narrateur, dans la France de très bientôt, du Petit polémiste : provocateur assermenté, il est censé, dans ses chroniques cathodiques, « offenser dans la limite du...
Ne pas être que soi
Un Journal de rêve réunit des articles parus entre 1972 et 1986 – quand Guy Hocquenghem affrontait crânement les progrès de ce « grand hiver » où nous demeurons.
Se faufilant, dandinant, pressés l’un contre l’autre, à la queue leu leu au long des boyaux d’égout du Haute Tension, des caves de saunas moisis, des sous-sols de garage désaffectés et des hangars de quai ; grouillant par centaines dans les mêmes boîtes glauques, trottinant en file et couinant à la lune le samedi soir, les pédés m’ont souvent fait penser à des rats » : ainsi commence...
Forever François-René
Direction Rome et la Correspondance de Chateaubriand, huitième tome : un pape passe, quelques anges, et la grâce absolue des mots.
Le volume découpe une période de deux ans, 1828-1830 : le temps pour Chateaubriand, ambassadeur à Rome – il occupa auparavant la fonction à Londres et Berlin – de voir Léon XII mourir et Pie VIII le remplacer. Il lui semble ici avoir joué quelque rôle : si c’est douteux pour la disparition de l’un – il se demande quand même si son astre fatal… –, c’est certain quant à l’avènement de l’autre,...
41 euros pour une poignée de psychotropes de Davy Mourier
Le titre correspond au prix d’une séance chez le psychanalyste. Et sur l’objet du livre, nous voilà fixés dès la première page et son annonce colorée et majuscule : « OFFERT ! UNE VRAIE DEPRESSION ! ». Vraiment à bout, l’auteur, à la suite d’une séparation et de diverses scènes d’sms et de larmes. 41 euros propose alors des strips de trois cases où dialoguent le patient et son docteur, des...
Des livres
Gatsby
de
Francis Scott Fitzgerald
Un Livre à soi et autres écrits personnels
de
Francis Scott Fitzgerald
Des gens négligents
Une nouvelle traduction pour son plus fameux roman, et son essai protéiforme enfin édité, pour vérifier que Fitzgerald échappe toujours à la littérature.
Dans une lettre adressée à Francis Scott Fitzgerald en 1925 : « C’est si fichtrement beau que ça fait mal et qu’on a envie de pleurer de douleur ». Et pourtant ça se vend moitié moins que les romans précédents – This Side of Paradise (1920) et The Beautiful and the Damned (1922) –, ça reste en dessous des vingt mille exemplaires, ça ne suffit pas à payer les dettes. La reconnaissance viendra,...
Médiatocs – chronique
Génération écran plat
Mazarine Pingeot, fille de et future mère, met sa vie en forme.Puis vend sa télé.
Je reste enfermée dans la maison. Ma chienne préfère le sommeil, je ne la comprends pas » : trois propositions, quelques mots très simples, Mazarine effleure le mystère du règne animal. Puis, dans la même page, elle évoque le chat, le cheval, ou encore la grenouille. Mais comme cette dernière rappelle Kermitterand, la future mère a ce cri déchirant : « Peut-être vendrons-nous la télé quand tu arriveras. »
Certains diront qu’il est bien des gens qui se débarrassent de leur télé, mais peu qui la vendent (sauf nécessité extrême), et que Mazarine n’est donc pas très généreuse, un peu petite...
Avec la langue – chronique
Un peu plus près des étoiles
Avec vingt ans d’avance, la troupe Gold avait trouvé la formule de l’art contemporain.
La trentaine détendue fait danser ses enfants au rythme des djembés, les chapelles ruissellent de mises en voix, Mathilde Monnier reprend du rosé : voici venue la saison du spectacle vivant. Mais les joies du live recouvrent le verso non moins solaire des festivals : le Programme, prose dédaignée comme la servante qui n’aurait d’autre rôle que de nous mener à sa maîtresse, la représentation. Or c’est dès les rives du rédactionnel que le désir d’art peut être comblé, en témoignent les deux cents grammes d’Avignon 2008, œuvre en soi dès son premier paragraphe. Valérie Dréville « ne veut pas...
Le patois c’est moi
L’époque a trouvé son mot d’ordre : sous les biloutes, la France !.
Puisque cette œuvre ne montre presque rien du Nord/Pas-de-Calais (sinon quelques briques, deux trois toiles cirées, un bout de littoral), puisqu’en masse les spectateurs en reviennent pourtant remplis comme d’une savoureuse démonstration, rendons-nous à l’évidence du Verbe : c’est la part de dialogue qui fait à elle seule toute la valeur anthropologique de Bienvenue chez les Ch’tis, dont...
Cela pourrait choquer
Quelques nuages de censure, au ciel menaçant des bienséances.
Au début du XXIe siècle : La Nouvelle Star, majesté terrible du jury, et que dire de la salle (prononcer à l’araméenne : pavillon Baal-TÂR), quand c’est au tour du dénommé Ycare, éventuellement de sang cimmérien, de faire ses preuves sur Le Chanteur de Daniel Balavoine. Lio et son tribunal diront parfait, il faut le garder, mais ne souffleront mot d’un alexandrin altéré. Balavoine en son...
Courrier du lecteur – chronique
L'homme qui aimait les livres
Coups d’œil sur « Le Dictionnaire Truffaut », où les romans se font devant et derrière la caméra.
« J’espère que vous garderez longtemps cette gravité du regard et cette façon simple et un peu malheureuse de vous exprimer », écrivait joliment Genet au jeune Truffaut. À parcourir le Dictionnaire, on ne s’éloigne jamais longtemps de la chose littéraire. D’abord, parce que les films sont ici le plus souvent des adaptations, au gré des lectures éclectiques de l’autodidacte : David Goodis pour Tirez sur le pianiste, William Irish pour La Mariée était en noir, Henry James pour La Chambre...
Espèce de Hongrois !
« Tout est pur à ceux qui sont purs » (Saint Paul) : promenade guidée au doux pays de l’Injure.
Bougnoule/ Niakoué/ Raton/ Youpin/ Chinetoque/ Putain/ Maquereau/ Macaque/ Chien » pour ceux que n’aurait pas rassasiés cet Hymne à l’amour de Jacques Dutronc, les éditions 10/18 rééditent les travaux de Robert Edouard, publiés une première fois en 1966. Voilà un tombereau qui en impose, avec plus de huit cents pages découpés en deux volumes, le Dictionnaire des injures venant accompagné de...
Quelques déflagrations
Bang ! dévoile et commente toutes sortes d’images. Il y a les images des bandes dessinées, bien sûr, avec notamment l’interview d’Alan Moore, scénariste britannique assez génial qui donne de très politiques contours aux superhéros de papier (on lui doit entre autres les Watchmen et V pour Vendetta) ; mais aussi les images qui cherchent à échapper au livre et recherchent pour ce de nouveaux...