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Domaine étranger Ne pas demander la lune

septembre 2023 | Le Matricule des Anges n°246 | par Gilles Magniont

On peut hésiter à embarquer sur La Mer de la tranquillité, récit d’anticipation sophistiqué mais dépourvu d’invention.

La Mer de la tranquillité

La Canadienne Emily St. John Mandel s’est d’abord illustrée par des sortes de romans noirs, histoires dans le brouillard, personnages qui se croisent mystérieusement, questionnements existentiels plus que policiers, entre enquête et dérive ; puis dans un autre genre, mais selon une manière analogue, par Station Eleven (2014), best-seller bardé de prix et adapté en série, où l’on suivait l’errance d’une troupe d’acteurs et de musiciens dans un monde ravagé par une foudroyante épidémie de grippe. Très attendue, La Mer de la tranquillité se porte à nouveau vers d’autres temps. Pour donner l’idée de sa savante construction : c’est d’abord en 1912 les pérégrinations d’un jeune immigrant britannique près de Vancouver ; puis en 2020 une soirée devant l’Académie de musique de Brooklyn ; en 2023, la tournée d’une romancière faisant la promotion de sa fiction « pandémique », alors même qu’une pandémie se déclare ; enfin, en 2401, sur une colonie lunaire, les manœuvres occultes de l’Institut du Temps. Vous n’y comprenez rien, et c’est fait exprès, la convergence de ces sections ne se dégageant que très progressivement : à savoir l’expérience d’allure paranormale que partagent les individus de différentes époques – comme une anomalie, une « corruption de fichiers » qui fait craindre à une physicienne dudit Institut que la réalité ne soit qu’une simulation, ce qui justifie d’envoyer un investigateur dans le passé.
Les amateurs de paradoxe temporel et de simulations virtuelles ne seront pas trop dépaysés. Les autres auraient tort de s’effrayer. Quoique l’on croise quelques hologrammes et autres dômes pixellisés, leur évocation se réduit au minimum syndical, de même que celle des voyages vers la lune : « L’atmosphère se faisait ténue et bleutée, puis le bleu virait à l’indigo, puis – impression de percer en douceur une bulle – c’était la plongée dans l’espace noir. » Quant à la description de la machine à remonter le temps, elle tient en moins de dix mots : « Il entra les codes dans son communicateur et partit. » La Mer de la tranquillité laisse ainsi à ses lecteurs toute latitude d’imaginer, et se tient dans les cadres suggestifs de certaine fiction spéculative où les objets propres à la science-fiction demeurent à l’arrière-plan, servant principalement à développer thèmes et personnages. Reste qu’ici ces personnages, même quand ils constituent un reflet assez transparent d’Emily St. John Mandel, se voient dotés d’affects assez génériques : « Paradoxe d’une tournée promotionnelle : son mari et sa fille manquaient cruellement à Olive, mais en même temps elle aimait beaucoup être seule dans les rues désertes de Salt Lake City ». Reste encore que les échappées discursives donnent le plus souvent une impression de platitude et de conformité, qu’il s’agisse de dénoncer la colonisation du Canada au 19e (à laquelle fera écho celle de la lune) – « Pourquoi partons-nous du principe que ces contrées lointaines nous appartiennent ? » –, les mâles violences – « Pour une femme seule dans un parc à la nuit tombée, n’importe quel quartier représente un danger » – ou les effets pervers du confinement – « Les réunions holographiques avaient autrefois été saluées comme étant la communication de l’avenir (…) mais la virtualité était péniblement plate ». Ainsi l’intrigue, bien que conduite avec maîtrise, finit-elle par se dissoudre dans des assertions familières, des inquiétudes sans surprises, et parfois une poésie trop lisse, dont, en titre, la Sea of Tranquility donne l’avant-goût. Une mer qu’on imagine dans une gamme de gris élégants, où la SF se trouve comme gentrifiée.

Gilles Magniont

La Mer de la tranquillité
Emily St. John Mandel
Traduit de l’anglais (Canada) par Gérard de Chergé
Rivages, 304 pages, 22

Ne pas demander la lune Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°246 , septembre 2023.
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