La rédaction Gilles Magniont
Articles
Bienheureuses castrations
Il vaut la peine de lire Le Petit Polémiste, roman de très imparfaite anticipation, mais d’une troublante profondeur.
À l’entendre sur les ondes, on tend l’oreille : débrouillant la raison d’être de son roman, Ilan Duran Cohen confesse la peur et la tristesse qui l’accompagne désormais en société, cerné qu’il se sent par ces vertus cardinales – engagement, solidarité, responsabilité – avec quoi on ne rigole plus, et tant pis pour celui qui hésite ou déconne, et dont l’enfance n’a pas encore rendu gorge. Ainsi Alain Conlang, héros-narrateur, dans la France de très bientôt, du Petit polémiste : provocateur assermenté, il est censé, dans ses chroniques cathodiques, « offenser dans la limite du...
Un livre
Suite(s) impériale(s)

de
Bret Easton Ellis
Moins que bien
Bret Easton Ellis signe un nouveau roman dépressif, mais l’air absent : Suite(s) impériale(s), fiction étique et pataude, prolonge pour rien ses premières amours.
Sorti en juin aux états-Unis, Imperial Bedrooms s’y est fait pas mal éreinter. Rien de tel chez nous, la critique, unanimement élogieuse, s’accommodant assez bien de la réception outre-Atlantique. C’est que les Américains sont bêtes, comme l’a récemment dévoilé un sagace lecteur du Masque et la Plume.
On peut voir les choses autrement. Non qu’il faille par principe reprocher à Bret Easton...
Hayao Miyazaki, cartographie d'un univers de Raphaël Colson et Gaël Régner
Le mignon, le joli, les nounours sont l’idée que se font les adultes de l’imaginaire des enfants, de ce qui leur fait plaisir. Mais ce qui attire souvent les enfants, c’est la monstruosité », dixit Miyazaki. Voir cette grosse boule de fourrure vaguement ours, sur laquelle une gamine vient sauter à pieds joints, mais qui se découvre d’abord par ses griffes et un étrange bâillement : autrement...
octobre 2010
Le Matricule des Anges n°117
Vertiges du porc
Par la grâce d’un travail d’édition éclairé, nouvelle naissance d’un roman-fleuve : High society, ou l’art démesuré de Dave Sim en son (presque) commencement.
Lorsqu’il parle de lui, c’est à la troisième personne. Par exemple : « Cerebus n’a rien contre l’ambition. Tant que ça n’empêche pas Cerebus de boire ». Cerebus est un oryctérope, c’est-à-dire un mammifère d’Afrique, quelque part de laid entre le cochon et le fourmilier, mais son créateur ne s’est pas astreint à trop d’exactitude zoologique en le figurant, ce qui permet du reste de le...
Un livre
Le Ballet des singes et des autruches

de
Philippe Beaussant
Le Ballet des singes et des autruches
Le livre est tout de suite séduisant par ses illustrations, apparemment très dissemblables : du noir et blanc et des géométries verticales d’où s’élèvent lances, arbres, colonnes, palais ; des couleurs chatoyantes et des plans horizontaux que traversent balayeurs, singes, ours, autruches, Indiens, perroquets. Mais tout cela marche de concert, planches qui font la trace d’un opéra représenté...
Médiatocs – chronique
Génération écran plat
Mazarine Pingeot, fille de et future mère, met sa vie en forme.Puis vend sa télé.
Je reste enfermée dans la maison. Ma chienne préfère le sommeil, je ne la comprends pas » : trois propositions, quelques mots très simples, Mazarine effleure le mystère du règne animal. Puis, dans la même page, elle évoque le chat, le cheval, ou encore la grenouille. Mais comme cette dernière rappelle Kermitterand, la future mère a ce cri déchirant : « Peut-être vendrons-nous la télé quand tu arriveras. »
Certains diront qu’il est bien des gens qui se débarrassent de leur télé, mais peu qui la vendent (sauf nécessité extrême), et que Mazarine n’est donc pas très généreuse, un peu petite...
Avec la langue – chronique
Un peu plus près des étoiles
Avec vingt ans d’avance, la troupe Gold avait trouvé la formule de l’art contemporain.
La trentaine détendue fait danser ses enfants au rythme des djembés, les chapelles ruissellent de mises en voix, Mathilde Monnier reprend du rosé : voici venue la saison du spectacle vivant. Mais les joies du live recouvrent le verso non moins solaire des festivals : le Programme, prose dédaignée comme la servante qui n’aurait d’autre rôle que de nous mener à sa maîtresse, la représentation. Or c’est dès les rives du rédactionnel que le désir d’art peut être comblé, en témoignent les deux cents grammes d’Avignon 2008, œuvre en soi dès son premier paragraphe. Valérie Dréville « ne veut pas...
Le patois c’est moi
L’époque a trouvé son mot d’ordre : sous les biloutes, la France !.
Puisque cette œuvre ne montre presque rien du Nord/Pas-de-Calais (sinon quelques briques, deux trois toiles cirées, un bout de littoral), puisqu’en masse les spectateurs en reviennent pourtant remplis comme d’une savoureuse démonstration, rendons-nous à l’évidence du Verbe : c’est la part de dialogue qui fait à elle seule toute la valeur anthropologique de Bienvenue chez les Ch’tis, dont...
Cela pourrait choquer
Quelques nuages de censure, au ciel menaçant des bienséances.
Au début du XXIe siècle : La Nouvelle Star, majesté terrible du jury, et que dire de la salle (prononcer à l’araméenne : pavillon Baal-TÂR), quand c’est au tour du dénommé Ycare, éventuellement de sang cimmérien, de faire ses preuves sur Le Chanteur de Daniel Balavoine. Lio et son tribunal diront parfait, il faut le garder, mais ne souffleront mot d’un alexandrin altéré. Balavoine en son...
Courrier du lecteur – chronique
L'homme qui aimait les livres
Coups d’œil sur « Le Dictionnaire Truffaut », où les romans se font devant et derrière la caméra.
« J’espère que vous garderez longtemps cette gravité du regard et cette façon simple et un peu malheureuse de vous exprimer », écrivait joliment Genet au jeune Truffaut. À parcourir le Dictionnaire, on ne s’éloigne jamais longtemps de la chose littéraire. D’abord, parce que les films sont ici le plus souvent des adaptations, au gré des lectures éclectiques de l’autodidacte : David Goodis pour Tirez sur le pianiste, William Irish pour La Mariée était en noir, Henry James pour La Chambre...
Espèce de Hongrois !
« Tout est pur à ceux qui sont purs » (Saint Paul) : promenade guidée au doux pays de l’Injure.
Bougnoule/ Niakoué/ Raton/ Youpin/ Chinetoque/ Putain/ Maquereau/ Macaque/ Chien » pour ceux que n’aurait pas rassasiés cet Hymne à l’amour de Jacques Dutronc, les éditions 10/18 rééditent les travaux de Robert Edouard, publiés une première fois en 1966. Voilà un tombereau qui en impose, avec plus de huit cents pages découpés en deux volumes, le Dictionnaire des injures venant accompagné de...
Quelques déflagrations
Bang ! dévoile et commente toutes sortes d’images. Il y a les images des bandes dessinées, bien sûr, avec notamment l’interview d’Alan Moore, scénariste britannique assez génial qui donne de très politiques contours aux superhéros de papier (on lui doit entre autres les Watchmen et V pour Vendetta) ; mais aussi les images qui cherchent à échapper au livre et recherchent pour ce de nouveaux...