La rédaction Guillaume Contré
Articles
L'invention d'une poésie
La poésie française, même déplacée au plus improbable des endroits, n’en finit pas de faire des étincelles. La preuve dans ce guide inattendu.
Le titre annonce la couleur, celle d’une surprise : La Poésie française de Singapour, vraiment ? N’aurait-on pas lu trop vite ? Ne s’agiterait-il pas plutôt de la poésie française du Mercantour ? Pas du tout, c’est bien de Singapour qu’il est question, un endroit où la langue française brille le plus souvent par son absence, et plus encore lorsqu’elle est poétique. Mais si l’autrice, Claire Tching, nous l’affirme, nous ne demandons qu’à la croire. Ou pas, car ce patronyme nous inquiète quand même un peu : de Tching à Tchang, il n’y a qu’un pas et l’Asie, certainement, mérite mieux que cet...
Télescopages temportels
Tous les jours sont un même jour et une infinité d’autres, ce que démontre Didier da Silva dans un almanach où les époques, les anecdotes, les naissances et les morts ne cessent de se croiser.
On peut organiser le temps en belles lignes droites, faire de la succession des jours une avancée inébranlable, sans soubresauts ni passe-droits, le mercredi succédant au mardi, mars à février et le XXIe siècle au XXe. Qu’il soit des postes ou chinois, richement illustré ou froidement pratique, le calendrier est implacable, il impose sa loi à la vie des hommes. On peut, pourtant, le...
Drôle d’oiseau
Un type paumé est embarqué dans une machination politique qui lui échappe. Jean Echenoz a l’art de construire des intrigues aussi alambiquées que réjouissantes.
J’en étais là de mes réflexions quand la catastrophe s’est produite » : ça commence un peu n’importe où, en plein milieu dirait-on, à mi-chemin du climax et de la grisaille quotidienne. C’est l’histoire d’un type sans éclat dont le nom rime – « presque le nom d’un oiseau marin », s’enorgueillit-il – et dont l’existence rime aussi, avec déboires, avec malentendus, avec embrouilles. Car c’est...
Une enquête en fragments
L’écriture virtuose de l’Argentin Juan José Saer sert d’écrin à un récit policier où s’agitent les forces brutes du réel et de l’inconscient.
Si ce roman de 1994 n’atteint pas les sommets de certaines des œuvres précédentes de Juan José Saer telles que Glose ou L’Ancêtre (toutes deux rééditées par Le Tripode, qui continue son travail salutaire de récupération d’un auteur essentiel des lettres argentines), ce texte n’en reste pas moins une belle démonstration de la profondeur de champ à laquelle la prose de l’écrivain du pays...
Nativité délirante
Un texte posthume de Giorgio Manganelli fait de la crèche l’objet d’un exercice baroque et virtuose de détestation fertile.
La célébration du début de la Signification », c’est ainsi que Giorgio Manganelli (1922-1990) définit non sans ironie l’exaspérant rituel portant le nom de Noël. La Crèche, écrit hybride qui tient du traité délirant ou de la réflexion théologique sortie de ses gonds, s’ouvre sur une confession de l’auteur qui avoue sa détestation de la période des fêtes : « une sorte de tristesse inédite...