La rédaction Thierry Cecille

Articles
La mort lente
Au printemps 1870, sous les yeux de son frère Edmond, Jules de Goncourt affronte le délire et l’aphasie : Alain Claude Sulzer scrute cette débâcle.
Tout ce qui dans ces pages va nous être raconté pourrait peut-être s’intituler Histoire d’un déni. Lorsqu’il relate dans son Journal la mort de son frère, Edmond de Goncourt écrit en effet : « M’interrogeant longuement, j’ai la conviction qu’il est mort du travail de la forme, de la peine du style ». Depuis des années, ils travaillent ensemble à produire des romans qui s’efforceraient de rendre compte de la réalité mais avec une acuité d’expression, une recherche de précision que certains admirent (dont Zola) mais que d’autres taxent parfois méchamment d’« écriture artiste ». Ce sont...
L’Amant russe, de Gilles Leroy
Leningrad, 1974. Le personnage principal – Gilles Leroy, âgé de 16 ans – accompagne un groupe de communistes et sympathisants à travers l’URSS. Sur le modèle de ce qu’avait inventé Potemkine pour Catherine II, la visite est plus qu’organisée, en fait préparée au cordeau et constamment surveillée afin que ces alliés venus du terrible monde capitaliste puissent se réjouir des réalisations de...
Les Cœurs endurcis de Martyna Bunda
Peut-être le personnage principal de ce roman est-il la maison, que la mère, veuve, construisit de ses propres mains, en 1932 : c’est principalement entre ses murs que vont se dérouler, durant plus de quatre décennies, les événements ici entremêlés. Si l’arrière-plan historique est parfois, plutôt allusivement, évoqué (la guerre, la mise en place du régime communiste, les années de pénurie…),...
De l’autre côté de l’abîme
Témoin survivant, Hans Erich Nossack invente une forme de récit unique pour dire l’indicible : la destruction de Hambourg à l’été 1943.
Le camion tanguait et progressait à tâtons dans le passage sommairement dégagé entre les ruines, sur les éboulis d’immeubles écroulés, tout près des cratères et sous les ponts pliés en deux, desquels pendaient des wagons, telles des guirlandes, jusque dans l’eau des bassins du port d’où émergeait la proue d’une gabare, effrayée par les corps lourds des barges chavirées sur le côté qui, sans...
Paris au noir
Mêlant le roman d’anticipation à la chronique réaliste pour transfigurer le sombre Paris de 1947, Jean Meckert (1910-1995) invente avec La Ville de plomb un curieux – et enthousiasmant – objet littéraire.
Fidèlement, les Éditions Joëlle Losfeld poursuivent leur réhabilitation de Jean Meckert : après six autres romans, nous avions pu découvrir, en 2020, le féroce Nous avons les mains rouges de 1947 (voir Lmda N°211). Meckert nous y plongeait dans la province française affrontant, au lendemain de la guerre, l’épuration que l’on a dite sauvage, en fait règlements de comptes entre héros et...