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Des plans sur la moquette
La chronique de Jacques Serena
Les articles
Se faire voir ailleurs
C’est Koltès, je crois, qui disait qu’une famille désunie c’était triste mais qu’il y avait pire : les familles unies. Il le disait sans rire, je pense, en tout cas, moi, je le crois sans peine. Pourquoi est-ce que je remets ça sur le tapis. Sans doute rapport au fait que m’est encore tombé dessus le besoin de bouger. Partir, peu importe où, histoire d’être ailleurs, d’aller voir ailleurs si on y est, comment on pourra y être. Pour un comme moi, à tout bout de champ invité à venir se faire voir ici ou là, il n’y a même pas à prendre l’initiative, suffit au premier appel de dire ok,...
Le train la bibliothécaire et les rats
C’était un soir assez banal, fatigue, torpeur. Les passagers somnolaient ou lisaient. D’un bout à l’autre du wagon, on ne voyait que des têtes baissées. J’étais avec une amie, une bibliothécaire que je venais de retrouver par hasard sur le quai, elle devait rester deux jours dans les parages et je venais de lui offrir l’hospitalité pour la nuit. Je me souviens qu’elle me montrait en riant une...
Vivre, s’est étranglé le père
Fin avril dernier. Je viens de finir ma lecture publique à Angers. Une fille vient vers moi et me parle, directe, naturelle, rieuse. Et moi, tout de suite, sidéré, capté. C’est peu dire, charmé, carrément, moi. On ne décide rien, je la suis, jusqu’à tard dans la nuit. Je pourrais m’attarder sur quand elle regarde l’église à travers son verre de bière et dit avec gravité : c’est comme ça que...
Dans la nature des veaux
Il y en a aussi dans ma région, des dénonciateurs anonymes. De ces gens qui, depuis leur abri, vous signalent avec zèle à la vindicte publique, voire aux autorités compétentes. C’était l’année dernière, mon amie Inga animait un atelier d’écriture en milieu carcéral et un tract non signé tenait à faire savoir à l’organisme qui l’employait qu’elle avait eu, au temps où elle tentait de survivre...
L’aventure en rade
À ce moment-là j’anime un atelier d’écriture dans un théâtre. C’est les samedis matins, vingt séances prévues. Les participants sont ce qu’on appelle des primo arrivants. Une trentaine. En gros, comme toujours, deux fois plus de femmes que d’hommes. Ils viennent là pour tenter d’améliorer leur pratique de la langue. Et pour aussi, bien sûr, par la même occasion, sortir de leur isolement, ou...