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Poésie La verve sauvage

mai 2023 | Le Matricule des Anges n°243 | par Richard Blin

Poursuivant sa joute intime avec le silence et l’infini, Dominique Sampiero donne voix à l’inouï de son expérience du réel.

Inventaire du vide comme neige et fleurs non répertoriées

Ce qui frappe chez Sampiero, c’est la façon dont son écriture, son poème coïncident avec leur irruption, leur point d’être : éclosion qui continûment fonde le chaos et le passage. S’imposant comme un fait, jamais comme une intention, le poème naît du saisissement, de la rencontre avec l’étrangeté de fond du réel et de son impossible à penser, car n’étant ni du sens ni de la parole. (On sait que Lacan disait du réel qu’il commence où le sens s’arrête.) Ce « hors tout sens » qui, comme tel, est irreprésentable, est justement ce que Sampiero cherche à dire. Comme cherchent à lui donner rayonnement les vrais peintres, à ceci près qu’ils n’ont pas, eux, besoin de parler pour s’exprimer ou se saisir de la beauté. « La peinture est oxymore sans mot. Comme si être avait besoin de ne plus penser. Seulement se couler dans le réel apparu sur la branche fragile de l’instant. »
Inventaire du vide comme neige et fleurs non répertoriées – un titre beau comme le soluté symphonique des plus fauves tendresses – témoigne, dans sa première partie, d’une telle expérience, de ce que le poète a éprouvé et vécu lors d’une semaine de résidence dans l’atelier du peintre Marc Feld. Un ensemble de poèmes où il dit la béance qui s’ouvre dès qu’on cherche à savoir ce qu’il en est de ce qui est, et de ce que nous sommes. « Tous les sens sont cloués à leur vigilance au point de tendre la corde du corps jusqu’au nœud de rupture. // Le passage à l’acte rime avec notre soumission et nous emporte dans le geste de celui qui a osé franchir sa propre vacuité. // J’ai vécu un mot qui a crevé mon espace d’un trou noir. Que je sois vivant ou mort, je suis en face d’un réel qui organise mes absences passées et à venir. »
C’est la pure violence de la sensation que Sampiero tente de porter à la parole. « Coulures au sang noir, offrandes pour se consoler du grand tout, du néant qui rongera notre conscience, grâce agacée de couleurs vives, hirsutes, et de frottements, raclée jusqu’à l’os dans son désir d’envahissement. » Des poèmes dont le corps est le lieu cardinal, le point d’appel où vient coaguler la forme-matière d’un infini coloré, musical, et dont l’« effleurement à la surface des chairs nous incline vers une autre présence ». Des moments d’épiphanie – ceux de l’apparaître des choses avant leur nomination – dans l’instantané desquels l’écriture est comme sommée de désigner ce qu’il en est de ce vide effervescent qui « aspire le regard à l’inverse, l’entraîne ailleurs (…) figure insoupçonnée, invérifiable, dont nous sommes harcelés par l’intuition ». Neige et fleurs non répertoriées habitent ce vide – qui se place entre le rien et l’être. Un vide qui laisse les choses respirer et fleurir sur fond de perpétuelle transmutation et de fuite douloureuse et jouissive. Mais un vide dont l’onde sans bord et les splendeurs filigranées ne sauraient cacher que la vérité, c’est la mort. « Nous écrivons notre mort sur des draps de lin ou de papier. Nous acceptons de la convoquer et qu’elle surgisse dans le nerveux des phrases ou des couleurs, le nerf des traits ou le sang des formes abstraites… »
Des poèmes qui sont comme un feu qui lave, relèvent d’un sang capable de tourner en encre et de se faire « pauvre mot de chair et de salive ». Un mot autour duquel tourne toute la deuxième partie, « pauvre mot d’Eden / et d’apocalypse », « de viande et de lumière ». Ce mot, il le tutoie, le rudoie, le cajole, lui voue allégeance parce qu’il est aussi un infini, le lieu d’une inquiétude en même temps que celui d’une espérance. Et parce qu’il ne peut oublier qu’un jour ce sera la fin : « Tu me couperas les mains, les bras, tout sera écrit ».
Mais avant l’inéluctable dernier mot, il importe encore et toujours de chercher « le couteau de la phrase, / le tranchant capable de tailler / le ciel en deux » pour l’offrir à qui voudra bien l’accepter, tant par-delà l’épreuve blessante/ravissante de l’existence, toute la poésie de Sampiero est orientée par l’espoir d’un partage.

Richard Blin

Inventaire du vide comme neige et fleurs non répertoriées
Dominique Sampiero
Préface d’Alain Borer
Éditions de Corlevour, 144 pages, 18

La verve sauvage Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°243 , mai 2023.
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