Soit on devient des barbares, soit on commence à comprendre la situation. Je voudrais que Maison d’arrêt fasse partie de cette compréhension. Changer notre situation, veut dire changer le psychisme humain… en lui racontant des histoires, en lui permettant d’en ressentir l’horreur". Edward Bond a réussi son pari. Avec Maison d’arrêt, le lecteur prend un sacré coup de poing. Cela faisait longtemps qu’une parole n’avait fait preuve de tant de virulence contre notre société, accusée de faire perdre leur humanité aux hommes.
Edward Bond démonte le mécanisme de la violence. Chaque acte de Maison d’arrêt en est ponctué. La fable est impitoyable. Chez Bond, les enfants meurent. Un père, Mike, tue sa fille parce qu’elle ne lui parle plus. Toute cette scène est construite autour d’une tasse de thé qu’elle refuse de boire, le dérisoire est installé, cruel. La violence devient carrément insoutenable à la fin de la pièce et atteint son paroxysme avec un tabassage. Et c’est un policier, le représentant de la société, qui avec cette violence préméditée, est le plus terrifiant.
Mike comprend alors que s’il a bien tué sa fille, la société elle-aussi est coupable.
Pour lutter contre la barbarie, Edward Bond en appelle à cultiver notre imaginaire : « L’imagination devrait être comme chez les enfants ou les cultures du passé, quelque chose qui nous explique le monde en le reliant au monde inconnu. Mais on ne l’utilise que pour consommer ce monde. Notre culture est superficielle, ne nous donne aucune compréhension de la profondeur de notre vie. La démocratie existera seulement quand l’imaginaire de chaque individu sera autonome et pourra se raconter une histoire saine de lui-même. »(*)
(*) Propos recueillis par Armando Llamas, le traducteur de Maison d’arrêt.
Maison d’arrêt
Edward Bond
texte français Armando Llamas
L’arche
91 pages, 75 FF
Théâtre Culpabilité partagée
octobre 1993 | Le Matricule des Anges n°5
Un livre
Culpabilité partagée
Le Matricule des Anges n°5
, octobre 1993.