Pour fuir la misère de leur pays, plusieurs turcs (dont Mamhoud un passeur sans emploi et Chekru, trop pauvre pour pouvoir épouser celle qu’il aime) émigrent en Europe. Leur rêve de travail tourne au cauchemar et se finit en prison pour le premier et dans une mine pour le second. Jean-Pierre Willemaers ne fait aucun misérabilisme avec cette histoire-là. Bien au contraire, en créant tout un univers onirique, il fait naître un chant brûlant. L’écrivain donne à entendre la rêverie, l’imaginaire de ces personnages en exil qui s’adressent la plupart du temps à « l’absent », objet de tous les fantasmes. Pour cela il triture la langue, il invente des mots très imagés (l’Euphrate est un « serpent-café »), il scande ses phrases avec des onomatopées :« eye, vay, ohé, eh ! ». Il bouscule la syntaxe : « Oh mon amour, le cri de toi quand je te prendrai l’âme-Eh-me voici-ohé (…) Et dans la nuit-mon amour-mon dolmus sera tout éclairé dedans comme un aquarium à roulettes- (Oh !-je t’aime- et dans ma tête c’est toi qui s’éclaire toute-Oh toi !) ». Certaines disdacalies sont comme des voix qui s’élèvent, celle du poète de la conscience, celle du temps qui passe ou encore celle qui chante le rêve de la limousine. Jean-Pierre Willemaers porte un regard poétique sur cette réalité dure qu’est l’immigration. C’est rare et précieux en ces jours de montée des nationalismes.
C’est un dur Métier que l’exil
Jean-Pierre Willemaers
Editions Théâtrales
71 pages, 85 FF
Théâtre Chants d’ailleurs
décembre 1994 | Le Matricule des Anges n°6
Un livre
Chants d’ailleurs
Le Matricule des Anges n°6
, décembre 1994.