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Théâtre Vingt bougies pour Hérisson 2

septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13 | par Maïa Bouteillet

Il faut aller voir jouer Perrier à Hérisson, un soir où les habitants du village sont dans les travées -ils ont pour habitude de bouder les deux premières représentations où se pressent professionnels et journalistes- pour sentir quel rituel complice les unit. Quand enfin l’acteur paraît, c’est partout un bruissement d’impatiente excitation auquel il réagit avec une vraie jubilation de gosse. Longuement attablé devant un café, au bistrot de la place du village, la face largement bardée d’un éternel sourire et les yeux un peu cernés, Olivier Perrier salue tous ceux qui, comme lui, émergent d’une longue soirée de fête. Et à vrai dire, aujourd’hui, il ne se souvient plus très bien comment l’histoire d’Hérisson a démarré. Comme si sa place avait toujours été là. Peut-être un premier déclic dans les années 60, quand il est revenu dans sa commune natale avec une troupe amateur pour jouer Les Rustres de Goldoni. 600 spectateurs, un tabac.
Quelques années plus tard, à la lisière d’une « carrière parisienne de cinéma » pour laquelle il ne s’estimait « pas assez caractériel », il a eu envie de revenir dans l’Allier, « de faire du théâtre autrement, avec (sa) culture ». D’avant cette rupture pourtant, Perrier garde un souvenir intense. « C’était une époque extrêment vivante, il y avait un brassage incroyable, avec des revues de théâtre. C’était l’époque de « Théâtre populaire », de Barthes… » Nourri au sein de la mouvance du théâtre universitaire, à la faveur du festival de Nancy, avec Jean Jourdheuil pour camarade de chambrée, il côtoie très vite ceux dont les noms marquent aujourd’hui l’histoire culturelle : Armand Gatti, Peter Brook, Bernard Dort. Et surtout Jean-Marie Villégier, « avec lui j’ai appris à respirer un texte, c’est lui qui m’a formé ».
Et puis le cinéma, aux côtés de Simone Signoret dans Rude Journée pour la reine de René Allio. Un cinéaste aux côtés duquel ses racines paysannes commencent à le chatouiller. Mais pas pour faire de l’imagerie de chaumière. « Aberration ! Si la pensée paysanne avait une sorte d’intérêt ça se saurait. L’état d’esprit et les comportements des paysans sont grossiers, chacun d’eux le sait » 1. Si la question de son passé, de la mémoire collective et de l’Histoire le taraude, c’est justement pour aller de l’avant. Une façon de rester vivant. Retour donc à Hérisson, en 1975, et point de départ de son théâtre pour bestiaux. Pas encore Bibi la truie et Hirondelle la jument mais une vache et un cheval de trait qu’il embarque pour Mémoires d’un bounhoumme. Donné au TNS, ce premier spectacle du genre inaugure, l’année suivante, les Rencontres théâtrales d’Hérisson en même temps que Loin d’Hagondange et le Cabaret satirique monté par Jean-Louis Hourdin.
Ce premier spectacle plein d’imprévisibles -les bestiaux ne sont pas a priori théâtralement fréquentables- inaugure une nouvelle forme de travail où les notions d’écriture et de mise en scène se trouvent un peu court-circuitées. Il serait plus juste d’évoquer, un collecteur de paroles, un chef de chantier. Si cette « pièce » et les suivantes -Histoire de croquants, La Sentence des pourceaux et Des Siècles de paix- sont bel et bien de son fait, il n’en revendique pas chaque mot comme un auteur le ferait d’un texte achevé. Ces mots sont le plus souvent nés au hasard des rencontres, au fil des répétitions, au détour des récits de villageois. Face au public ou dans la construction théâtrale elle-même, c’est bien toujours la question du rapport à l’autre, à la communauté qui sous-tend le travail de Perrier. « Quel est le type de tension que l’on a avec les personnes auxquelles on s’adresse ? Et comment faire en sorte que cette question reste effective ? » La démarche est d’autant plus active que la plupart des acteurs avec lesquels il travaille aujourd’hui n’étaient pas professionnels au départ. Recrutés dans les environs d’Hérisson par petites annonces en 1991 pour Des siècles de paix, ils étaient chômeurs, agriculteurs ou retraités. Comme Dédé, ex-patronne du bistrot du même nom qui a passé la main pour rejoindre la troupe et qui vient de faire sa première en Roumanie dans La Valse des Gounelles2.
Mais l’on aurait tort de voir derrière tout cela une sorte de retranchement. Co-directeur du CDN d’Auvergne où il privilégie la création contemporaine, Perrier est actif sur tous les fronts de la scène pour défendre de nouvelles équipes. Une scène où le spectacle vivant prend tout son sens. Même si certains le regardent parfois comme le dernier des Mohicans.

1cf. Les pouvoirs du théâtre, essais pour Bernard Dort, éditions Théâtrales, 1994.
2Du 19 mars au 7 avril 1996 au Théâtre de la Commune-Aubervilliers.

Vingt bougies pour Hérisson 2 Par Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°13 , septembre 1995.
LMDA papier n°13
6,50