Debout les morts est le quatrième roman de Fred Vargas (pseudo). Archéologue, elle est entrée dans le polar en accumulant les récompenses : le Prix du roman policier du festival de Cognac pour Les Jeux de l’amour et de la mort en1986 et le Prix du festival de Saint-Nazaire pour L’Homme aux cercles bleus en 1992. Avec les deux autres romans qu’elle a depuis publiés chez Viviane Hamy, Ceux qui vont mourir te saluent (1994) et aujourd’hui Debout les morts, Fred Vargas peut désormais entrer dans la légende comme l’inventeur du « héros-étudiant-à-trois-têtes-qui-porte-des-noms-antiques » : au « triumvirat » de Ceux qui vont mourir…, Claude, Tibère et Néron succèdent dans Debout les morts les « évangélistes », Saint Luc, Saint Marc et Saint Mathieu.
Trois étudiants en histoire (un préhistorien, un médiéviste et un spécialiste de la Première Guerre mondiale) qui s’improvisent détectives, pour retrouver la cantatrice d’origine grecque Sophia Simeonidis, on pourrait craindre le pire. Une sorte de Club des 3. Mais si un brin d’esprit potache plane bien sur nos trois évangélistes, c’est à l’immaturité propre aux personnages qu’il faut l’attribuer plutôt que de supposer l’auteur immature. Menée par des amateurs dans un cercle restreint de voisins, cette enquête centripète qui se déroule dans sa presque totalité dans le treizième arrondissement finit par effacer tous les signes de la ville dans laquelle elle s’inscrit. Non pas que la ville n’existe plus, mais elle semble se transfigurer en cette sorte de banlieue abstraite, intemporelle et nostalgique qui sert de décor à un réalisme poétique qui va, pour balayer large, de Raymond Queneau à Jean Echenoz. Même chose pour les personnages : ceux qui ne sont pas à côté des rapports de production (étudiants attardés, retraités…) travaillent près de leur domicile. Paris s’estompe et la vie de quartier reprend ses droits.
La qualité principale de ce roman, c’est son humour, la fraîcheur et la bonne humeur dans lesquelles il baigne. Mais ce bonheur ne doit pas faire oublier que Debout le morts est aussi un roman bien construit et qui sait ménager des surprises. Avec Baka !, le roman « japonais » de Dominique Sylvain, on peut même dire que c’est l’un des meilleurs de la collection policière « Chemins nocturnes » des éditions Viviane Hamy.
Debout les morts
Fred Vargas
Viviane Hamy
270 pages, 85 FF
Domaine français Enquête de voisinage
septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13
| par
Christophe David
Un livre
Enquête de voisinage
Par
Christophe David
Le Matricule des Anges n°13
, septembre 1995.