On est en 1982. Carlos, le héros de L’Homme seul, un nationaliste basque engagé à la fin du franquisme dans la lutte armée et gracié à l’avènement de la démocratie semble s’être assagi. Avec ses amis, il tient près de Barcelone un hôtel dont quelques braquages de banques ont rendu l’achat possible. C’est l’été, l’Espagne est toute à la coupe du monde de football et l’hôtel de Carlos héberge l’équipe de Pologne : Boniek, Lato et les autres. A l’insu de ses camarades, Carlos cache deux terroristes en fuite au sous-sol. Parviendra-t-il à les sauver alors que la brigade antiterroriste investit l’hôtel ? Ce roman se présente au premier abord comme un thriller. Pourtant ce n’est pas le suspense qui fait la substance du livre, mais le déchirement de la conscience de Carlos.
Une conscience qui n’est pas simple mais plurielle, chorale. Une idée chère à Bernardo Atxaga déjà exprimée dans un texte écrit il y a une quinzaine d’années : La Simplicité de la voix de la conscience, et littérairement exploitée dans Hans Menscher, l’une des histoires de Obabakoak. L’Homme seul n’est pas un monologue, ni un dialogue mais une chorale intérieure. Carlos y parle tour à tour avec le Rat qui surgit toujours quand il est en faute, avec Albino, l’instructeur qui l’a initié à la clandestinité et avec Kropotky, son frère dont il a accepté l’internement en hôpital psychiatrique. Cette construction de la conscience de Carlos suffit à nous faire comprendre que ce roman en apparence « existentiel » n’est pas exempt de préoccupations formelles. Mais ici la recherche formelle n’est pas à elle-même sa propre fin. « Invisible », elle se contente d’être le « sol formel » d’une histoire tragique qui est celle d’une génération politique.
L’Homme seul
traduit de l’espagnol par André Gabastou
Christian Bourgois
382 pages, 160 FF
Poésie A bout de souffle
septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13
| par
Christophe David
Un livre
A bout de souffle
Par
Christophe David
Le Matricule des Anges n°13
, septembre 1995.