Après avoir convoqué d’éminents latinistes à travailler sur la bande-son du Satyricon, Federico Fellini, alors en pleine réalisation de son Casanova (1976), demanda à son ami le poète Andrea Zanzotto de composer, pour ce film et sur cet homme qui représente presque à lui seul le XVIIIe siècle, plusieurs sections sonores en dialecte vénitien. De ce travail pour le cinéaste italien, Zanzotto tirera un livre, Filò, La Veillée, où se retrouvent à la fois les différents passages écrits pour la bande-son du Casanova, ainsi qu’un long poème méditatif (La Veillée) sur la langue dialectale. Ce n’est qu’après la vague de « renouvellement drastique » de la poésie durant les années 60, selon le mot de Marizio Cucchi, après les « années de plomb » qui firent basculer l’Italie, à partir de 1970, dans la violence aveugle des attentats politiques et mafieux, qu’Andrea Zanzotto, né en 1921, put être considéré à sa juste valeur. On s’aperçut que son travail sur la grammaire et la syntaxe, puis sur les langues dialectales, De Derrière le paysage (1951) à Vocatif (1986), était trop enraciné, accroché à sa terre, trop hanté par le paysage, trop singulier, pour se réduire à un simple jeu verbal. Mêler la tradition et l’usage moderne de la langue jusqu’à leur « indifférenciation », en jouer « comme d’un clavier polyphonique », précise son traducteur Philippe Di Meo, en fait un proche de Michaux. Zanzotto n’a rien donc d’un embaumeur de langue. Fellini le choisit pour cela, pour la langue qu’il se forgeait patiemment, retiré sur les « collines escarpées » de sa ville natale, pour la mémoire des dialectes qu’il portait aussi en lui. Des toutes premières scènes des brodeuses du Casanova au Récitatif vénitien où un doge appelle une grande figure noire à sortir des eaux, de la Cantilène londonienne que Casanova entendit derrière les brumes de la Tamise à La Veillée, ce « discours second » sur les hauts dialectes de Venise et de Trévise, Zanzotto scande la langue de la Vénitie ou lui donne les s
Filò, La veillée (trilingue)
Andrea Zanzotto
ttraduit de l’italien
par Philippe Di Meo
Editions Comp’Act
120 pages, 130 FF
Poésie Le cinéma de Zanzotto
septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Le cinéma de Zanzotto
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°13
, septembre 1995.