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Théâtre Les affaires selon Brecht

février 1996 | Le Matricule des Anges n°15 | par Maïa Bouteillet

Bertolt Brecht revient sur le devant de la scène avec la réédition de deux romans autour du thème de l’argentAvec plus ou moins de bonheur.

Le Roman de quat’sous

Les Affaires de Monsieur Jules César

Ecrits à quelque vingt années d’intervalle, dans des contextes très différents, Le Roman de quat’sous et Les Affaires de Monsieur Jules César -rares expériences romanesques de Bertolt Brecht- rappellent avec quelle délectable ironie l’auteur dramatique allemand n’a cessé de démonter, tout au long de son œuvre, les mécanismes sournois du pouvoir et de l’argent.
Fuyant le régime nazi alors que ses œuvres inscrites sur une liste noire viennent d’être brûlées publiquement à Berlin, l’auteur exilé au Danemark tente de renouer avec le triomphe de L’Opéra de quat’sous pour écrire son premier roman. De cette pièce dont Pabst tira un film en 1931, on retrouve dans le roman toute la galerie burlesque des personnages sans scrupule et leurs joyeuses rengaines assénées sur le ton de l’évidence. À l’image de cette « ballade de la vie agréable »- «  (…)Ce n’est pas mal du tout de vivre terre à terre/ Chacun pour soi et pas de sentiment/ Prendre un bain chaud, boire un petit verre/ Et s’installer devant l’assiette pleine !/ Ce n’est pas beau, dites-vous avec mépris/ Je ne suis pas, merci, de cet avis/ Pour moi la question du bonheur est claire :/ Qui vit à son aise vit agréablement » - en ouverture du troisième livre justement intitulé, Seul l’homme aisé vit agréablement.
Planté dans un décor très quart-monde qui n’est pas sans rappeler le délabrement de la société allemande dans l’entre-deux- guerres, le Roman de Quat’sous nous entraîne dans les rivalités compliquées et pleines de rebondissements de la pègre londonienne. Sur le ring, deux chefs s’affrontent. D’un côté, Mister Peachum, prince des gueux qui n’hésite pas à précipiter sa fille, la trop sensuelle Polly dite « Peach », dans les bras de la plus vile crapule pour échapper à la faillite. De l’autre, Macheath dit Mackie, soupçonné d’être le dangereux criminel que les gazettes à sensation appellent « Le Surineur », reconverti dans le commerce à grande échelle et secret époux de la miss Peachum. Tous les coups sont permis y compris la prétendue défense des masses misérables.
Féru d’économie politique - « C’est en lisant Marx que j’ai compris mes pièces ! » - l’auteur se livre à quelques démonstrations en la matière génialement tarabiscotées.
Rythmé de ballades, complaintes et autres chants, Le Roman de Quat’sous tient à la fois du cabaret, de la pièce didactique et du conte moral où le dramaturge allemand développe largement ses nouvelles considérations sur l’exploitation de l’homme par l’homme. Expressément voulus par l’auteur, les passages en italique, marquent une rupture dans le récit pour inviter le lecteur à une réflexion morale. Une mise en forme qui préfigure sans doute déjà le fameux « effet V »ou effet de distanciation créé en 1936 par Brecht. Pourtant cinquante années après, la méthode a fait long feu et le comique un peu grand guignol prend le pas sur la critique. Le lecteur s’amuse vraiment même s’il a l’impression, parfois, de se trouver face à une caricature de Brecht par lui-même.
L’argent est aussi au centre d’un autre roman plus aride, Les Affaires de Monsieur Jules César, paru en 1957, un an après la mort de Bertolt Brecht. Désireux d’écrire une biographie de son « idole », le narrateur se plonge dans le journal de Rarus -esclave et secrétaire particulier du Jules César. Entre de larges considérations sur l’effet pervers de l’esclavage sur le chômage à Rome, l’argent sale et les motivations douteuses des hommes politiques, transparaît un Jules César largement démystifié, un démagogue âpre aux gains (où l’on se souvient du Jules César de Shakespeare), victime de son goût pour les frivolités. Un roman dont l’intérêt tient davantage à l’évocation de la délicate tâche du biographe qu’à l’histoire un peu compliquée de son sujet. Une autre tentative romanesque nettement moins fantaisiste et moins sympathique que la première.
Autour de Brecht toujours, vient de paraître un livre de photographies signées du grand reporter passionné de théâtre, Roger Pic (Brecht et le Berliner Ensemble à Paris - Arte et Marval éditions 150 pages, 280 FF). Roger Pic a suivi le travail de Bertolt Brecht et les représentations du Berliner Ensemble à Paris entre 1950 et 1960. De cet impressionnant travail de mémoire (2800 photographies conservées à la Bibliothèque nationale), l’ouvrage nous offre aujourd’hui un bel aperçu en quelques 150 photos triées et maquettées par Roger Pic lui-même. Agrémenté d’une solide biographie de Brecht et de textes du metteur en scène Benno Besson et de Chantal-Meyer Plantureux (auteur d’une thèse sur la photographie de théâtre), l’album grand format prend valeur de témoignage des heures illustres du Berliner. Pour les inconditionnels.

Le Roman de quat’sous et
Les Affaires de Monsieur Jules César
Bertolt Brecht

Respectivement traduits de l’allemand par
C. Vernier avec P. Richez et par G. Badia
L’Arche
408 et 252 pages, 149 et 125 FF

Les affaires selon Brecht Par Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°15 , février 1996.